Éric Labbé |

Il y a encore peu de temps, le format papier était la façon normale de transiger avec la Commission de protection du territoire agricole (la Commission). C’est toutefois chose du passé ; ses services sont désormais disponibles en ligne. Depuis décembre 2023, un nouveau site web amélioré, avec des ajouts aux systèmes de gestion, a été livré dans un tout nouvel environnement d’infonuagique (Cloud). Dans ce second article, nous verrons comment la gouvernance a été l’un des facteurs de succès en assurant l’alignement stratégique à la capacité d’adaptation.

Le Larousse définit la résilience comme la « capacité … à se rétablir après une perturbation extérieure… ».  Dans le cadre de ce projet prioritaire, la gouvernance se voulait résiliente et se concentrait principalement sur les écarts aux objectifs couvrant 6 volets: la portée, le budget, l’échéancier, la qualité, la gestion des risques et les bénéfices. 

Une gouvernance organique : agilité et résilience dans un environnement complexe

La Commission se devait de moderniser son offre de services afin d’éliminer plusieurs désuétudes, de corriger des failles de sécurité et d’offrir des services en ligne complets. Réalisée de juin 2022 à décembre 2023, cette transformation numérique était complexe par sa nouveauté et son envergure pour l’organisation. Les principaux enjeux ont été de concevoir des processus en ligne jusqu’alors inexistants, développer une expertise jusqu’alors absente soit la mise en place d’une infrastructure web infonuagique et mobiliser un grand nombre de parties prenantes.

L’instance de gouvernance était le Comité directeur (CD), présidé par le président de la Commission. Le CD a utilisé une approche organique en ce sens qu’elle mettait l’accent sur les communications directes, la responsabilisation de la personne la plus compétente dans une tâche, les interactions entre les tâches et enfin l’engagement de tous envers l’objectif commun. Cette approche a été déterminante pour bâtir la confiance entre toutes les parties prenantes. Elle a aussi conféré l’agilité requise face aux imprévus et aux défis rencontrés. 

L’approche organique a été particulièrement utile pour faire face à deux enjeux : choisir l’infrastructure cible et définir une solution capable de soutenir les nouveaux processus opérationnels. Ces deux chantiers devaient être synchronisés pour que la solution dans la nouvelle infrastructure Cloud livre les bénéfices visés. Le CD a gouverné ces enjeux en utilisant des stratégies telles que : 

  • Permettre le parallélisme en effectuant un suivi des risques;
  • Autoriser l’ajout de certaines phases d’essais;
  • Adopter une approche de feuille de route et non d’échéancier, i.e. qu’une étape s’amorce lorsque les étapes préalables ont livré le niveau de qualité minimum requis.

Une gouvernance à l’écoute et qui donne des orientations claires

Le CD a fait le choix de communiquer des attentes de résultats et non de moyens. Dès le départ, les membres de l’équipe de projet étaient imputables des résultats. L’équipe disposait de marges de manœuvre dans les moyens mais les décisions sur les écarts relevaient du CD. Un ensemble d’outils et des processus ont été mis en place pour piloter le projet et permettre à tous d’avoir une vision commune de l’avancement, des enjeux et des risques. Mentionnons :

  • Des exigences minimales pour accepter les livrables;
  • Un tableau de bord avec les indicateurs clés;
  • Un plan de gestion du changement.

Le chargé de projet était aussi conseiller en gouvernance, ce qui permettait une prise en charge rapide des enjeux. Enfin, il arrivait qu’un membre de l’équipe utilise son accès direct au CD pour débloquer un enjeu. Ces éléments ont conféré une agilité qui s’est avérée déterminante.

L’alignement stratégique : garder le cap

L’instance de gouvernance, le CD, a été active tout au long du projet. Les outils de suivi lui permettaient de détecter hâtivement les changements aux environnements interne et externe. Le CD visait à s’y adapter tout en maintenant l’alignement stratégique et tenait à fonder ses décisions sur des mesures objectives.

Face à un défi, les outils de suivi évoluaient afin d’en donner une vision claire. Par la suite les bénéfices escomptés guidaient la prise de décision. Les bénéfices et leur cohérence avec les priorités de la Commission sont devenus des exigences adressées à l’équipe de projet. Ceci a contribué à éviter toute ambiguïté quant aux résultats attendus.

C’est dans l’esprit de renforcement des bénéfices que des utilisateurs internes et externes ont été consultés. Ces consultations ont permis à la fois de tester les changements à venir et de bonifier l’expérience utilisateur.

La gestion des risques : anticiper et se préparer

Dans un projet la prise de risques est inévitable. La gestion des risques vise à améliorer la performance d’ensemble en permettant la prise en charge hâtive des enjeux. Elle était intégrée à la gestion quotidienne du projet, tant au niveau de l’équipe de réalisation qu’à celui du CD. La méthodologie utilisée était classique :

  • Identification des risques;
  • Évaluation du risque initial (probabilité, impact et proximité);
  • Mesures d’atténuation attribuées à un responsable;
  • Évaluation du risque résiduel.

Conclusion : tenir le gouvernail

L’un des facteurs de succès de cette transformation numérique est certainement lié à sa gouvernance. Ayant l’heure juste sur l’état d’avancement et les risques, le Comité directeur était en mesure d’exprimer clairement ses exigences en adéquation avec les objectifs du projet. Il s’est montré agile, résilient et à l’écoute, et a pris soin de mobiliser les acteurs clés vers l’objectif. 

À propos de l’auteur

Eric Labbé est titulaire d’une Maîtrise en gestion de projet et d’un Baccalauréat en bio-agronomie. Il a œuvré pendant plus de 30 ans à la Fonction publique du Québec, dans les secteurs de l’agroalimentaire, des communications, des technologies de l’information et de la sécurité publique. Parmi les projets qu’il a dirigés ou dont il a participé à la gouvernance, mentionnons : 

       Plusieurs projets SAGIR dans le domaine des ressources humaines et financières

       Fichier d’immatriculation des armes à feu

       Système d’indemnisation des sinistrés des inondations

Il est également intervenu dans le redressement de plusieurs projets en difficulté. Maintenant consultant, il a eu l’opportunité d’agir à titre de conseiller en gouvernance et chargé de projet dans le cadre de la transformation numérique de la CPTAQ. Il s’implique à titre bénévole au sein de la Croix-Rouge canadienne.