[vc_row][vc_column][vc_column_text]Je vous l’accorde, c’est un titre audacieux pour un article dans une publication spécialisée en gestion de projet, mais c’est bien le cas. Tout le monde peut apprendre à faire de la gestion de projet. Planifier, organiser, diriger et contrôler un projet sont des connaissances qui s’acquièrent. De penser aux stratégies, aux risques, aux gens impactés, aux indicateurs et aux retombées visés n’est pas si compliqué.
La transition, organe vital du changement
Ceci étant dit, il y a une étape cruciale où l’ensemble d’un projet ou d’un changement peut échouer et, du même coup, générer d’importants dégâts aux ressources d’une organisation. Ici, on parle d’effets négatifs sur les ressources financières, mais plus important encore, des impacts non négligeables (et quelques fois) irréversibles sur le capital humain.
La transition est ce moment où le changement passe du monde papier à celui de la réalité. À ce moment, l’organisation doit faire face à sa ressource la plus importante : ses gens. Quand je dis faire face, plus que d’imposer ses vues, il s’agit d’adopter une attitude positive et mobilisatrice. Il faut se rappeler que ce sont ceux par qui la transition va s’accomplir. Une approche collaborative ne peut qu’augmenter vos chances de réussir le passage crucial à la prochaine étape (à moins que vous vouliez échouer à tout prix!). Il est essentiel de comprendre une chose : tout changement est un deuil. En outre, comme tous les individus sont uniques, personne ne le vivra de la même façon.
En 2019, il est impensable de procéder à un changement sans avoir un appui de son capital humain et des individus qui font vivre l’organisation au quotidien, qui lui donne sa culture et son âme. Nous devons comprendre que nos gens, quand ils font partie de notre stratégie, sont un avantage concurrentiel important et un levier privilégié pour la transformation.
La carte cachée
Lors d’un changement, nous pouvons songer à toutes les stratégies possibles sur papier, mais c’est à l’étape de la transition que tout se joue. Cette étape doit être déléguée à une personne ayant de fortes aptitudes relationnelles avec les individus et une perspective d’affaires assez développée; un leader transformationnel.
Le leader transformationnel est celui qui est en mesure de donner la vision, le sens, la raison d’agir, le goût d’accomplir et de passer de la parole aux actes. C’est un leader d’émotions, un leader axé sur les relations humaines, sur la mobilisation et l’engagement du capital humain sans pour autant oublier la performance, les stratégies, les valeurs et l’optimisation des opérations de l’organisation.
Si vous n’avez pas ce type de leader dans votre équipe ou ailleurs, cette carte cachée, je ne dis pas que votre transition sera un échec, mais elle sera certainement plus ardue.
Leader d’émotions
Pour propulser un changement dès le commencement, les gens doivent être derrière le projet, ils doivent en percevoir la valeur pour l’organisation et pour eux. Oui, l’humain est humain, il pensera toujours à lui avant les besoins de l’organisation. Les employés doivent être en mesure de se projeter dans l’organisation, d’y voir des possibilités de développement et d’être reconnus pour leur importance.
Tout commence donc par une vision claire et rassembleuse. Il ne suffit pas d’énoncer la vision ou le sens. Il faut imager ce sens, lui donner vie dans la tête des gens. Pourquoi croyez-vous que les résolutions de début d’année soient si rarement tenues ? Tout simplement parce que ce ne sont que des mots. S’imaginer sur la plage du Mexique avec quelques livres en moins, le sourire et le regard des autres sur nous est bien plus puissant que de se dire : « Je vais aller plus au gym ». Il en est de même pour la vision d’un changement, les employés doivent l’imager, la vivre intérieurement pour vouloir y adhérer.
Résistance aux changements
C’est une erreur de parler de résistance aux changements. Personne n’arrive au bureau le matin, café en main, en disant qu’il fera tout pour ne pas évoluer. Le terme « résistance aux changements », à mon avis, est un terme dépassé qui ne devrait plus être utilisé. Les gens sont préoccupés, point.
La qualité première d’un leader est sa capacité d’écoute et son intelligence émotionnelle. Il doit être en mesure de déterminer rapidement les préoccupations des gens touchés. Selon, Mme Céline Bareil, 7 phases de préoccupations [1] existent lors d’une transition et chacune d’entre elles ne doit pas être traitée de la même façon. Je compare l’étape de la détermination des préoccupations à un médecin qui évalue les symptômes pour émettre un diagnostic afin de mieux établir sa stratégie avec son patient. Bien comprendre ce qui dérange les gens est la meilleure façon de les accompagner, de les aider dans une transition, qu’elle soit petite ou grande.
Toujours selon Mme Bareil, les phases de préoccupations sont soit centrées sur le destinataire, sur l’organisation, sur le changement, sur l’expérimentation, sur la collaboration et sur l’amélioration du changement. Il y a aussi une phase où aucune préoccupation n’est présente. Pour cette dernière, je vous recommande fortement de questionner davantage, car rares sont les situations où aucun questionnement n’est présent dans la façon de vivre une évolution et vous ne voulez pas gérer une bombe à retardement dont vous ne connaissez pas l’existence.
Les 7 phases de préoccupations d’une transition
Phases de préoccupations | Interventions à prioriser |
---|---|
Aucune préoccupation. Le changement est abstrait et on ne se sent pas réellement concerné. | - Démontrer l'importance du changement |
Préoccupations centrées sur soi. On se préoccupe de l'impact que le changement aura sur nous, sur notre travail et notre quotidien | - Rassurer sur ce qui changera et ce qui ne changera pas - Écouter de façon empathique les craintes et attentes |
Préoccupations centrées sur l'entreprise. On se demande si c'est la bonne chose à faire pour l'entreprise, si elle sera capable de le mener à terme. | - Démontrer son engagement personnel - Expliquer la vision, les objectifs, les effets positifs sur l'efficacité, sur le rendement |
Préoccupations centrées sur le changement. On se demande comment le changement va se faire, de quoi il s'agit exactement. | - Donner des détails sur le changement - Consulter ou faire participer son interlocuteur |
Préoccupation centrées sur l'expérimentation. On se préoccupe de la façon dont on sera en mesure d'appliquer le changement, on se demande si on bénéficiera de soutien. | - Bien planifier la transition - Laisser une période d'adaptation - Offrir du soutien et de la formation |
Préoccupations centrées sur la collaboration. On souhaite que les nouvelles comptérences acquises dans le cadre du changement puissent être partagées. | - Encourager les échanges sur le changement |
Préoccupations centrées sur l'amélioration continue. On souhaite rendre le changement optimal en l'améliorant continuellement. | - Questionner sur les pistes de solution possibles |
Une gestion de proximité
Une chose est importante à retenir, vous devez détenir autant de façons de gérer les individus que le nombre d’individus que comporte votre capital humain. Toute personne est unique, vit des choses différentes, a un historique différent, une culture, des valeurs différentes. Afin de bien cerner les besoins des gens, il est nécessaire de s’en rapprocher.
Par être proche, je ne dis pas de leur souffler dans le cou, mais plutôt d’avoir une relation plus horizontale que verticale. Bien qu’il soit essentiel de monter au balcon quelques fois, il est aussi essentiel d’aller sur le terrain et discuter avec nos gens, de voir ce qui se passe, de discuter, mais surtout de les écouter. Nous avons beau faire la plus exhaustive analyse des parties prenantes en y incluant les jeux politiques, si nous ne sommes pas en mesure d’avoir un lien de confiance teinté d’authenticité avec nos gens, nous ne serons jamais en mesure d’établir les vraies préoccupations qui se vivent sur le terrain et dans la tête de nos employés, nos collaborateurs.
Le changement et l’équipe agile
Dans le monde agile, les équipes doivent s’auto-organiser et le travail est encore plus axé sur la collaboration qu’avec les anciennes approches. Il est d’autant plus approprié d’être à l’écoute des gens pour détecter et régler les problèmes internes rapidement afin d’éviter les perturbations qui peuvent entraver la réalisation d’un projet (ou d’un changement). De cette façon, on s’assure que ses membres travaillent efficacement et restent en phase avec les objectifs à atteindre. On peut ainsi éviter bien des dérapages qui trop souvent affectent les résultats d’un projet (changement).
Les jalons vers la victoire
Peu importe l’ampleur du changement, il est nécessaire de le découper en petites étapes afin de minimiser l’impact sur les parties prenantes. Un gâteau mangé en petite portion se digère beaucoup mieux que si nous le mangions d’un seul trait. D’accepter de petits changements plutôt que de voir l’ensemble des changements à apporter facilitera le processus d’acceptation pour les employés.
Profitez de l’atteinte des principaux jalons pour célébrer. Apportez le dîner un midi, faites un tirage, faites un « huddle » pour féliciter tout le monde, etc. Je n’aime pas l’image de comparer les employés au chien de l’expérience de Pavlov, mais le principe est bon. Récompenser positivement les collaborateurs aura pour effet de favoriser l’adhésion vers la prochaine étape, le prochain pas vers l’objectif final.
Il est important aussi d’accepter les erreurs de parcours. Le changement implique une appropriation de nouvelles façons de faire, de nouvelles compétences. Il est nécessaire que les gens qui le vivent reçoivent une rétroaction rapide sur les erreurs de parcours, mais aussi les bons coups. Accepter les erreurs des gens démontrera que vous êtes humain dans le changement. Pourvu que les erreurs ne soient pas répétitives par la même personne, sinon usez de votre courage managérial.
Un seul pommier ne produira pas
Saviez-vous que plusieurs variétés de pommiers ont besoin d’être près d’autres variétés afin de pouvoir produire des fruits ? Il en est de même pour les humains. Il faut savoir s’entourer de gens avec des aptitudes complémentaires afin d’améliorer nos chances de succès. Il y a plusieurs façons de s’entourer, plus spécifiquement dans le cadre d’un projet.
Entre autres, le capital humain est une mine d’or lors d’une transition. Vous rencontrerez sans doute des gens étant dans les phases de préoccupations sur la collaboration et sur l’amélioration du changement. Les gens dans ces phases peuvent être de forts collaborateurs, car ils désirent faire partie intégrante de la transition, ils veulent y participer. Attention pour ne pas cibler des leaders négatifs par contre, car il pourrait saboter le tout.
Ne négligez jamais l’importance du coaching dans votre quotidien. Le coaching des individus faisant partie de votre équipe, mais aussi du coaching pour vous-mêmes. N’oubliez pas qu’une chaîne n’est jamais plus forte que le plus faible de ses maillons. À vous d’enrichir ce maillon qu’il s’agisse de vos collaborateurs ou de vous-même.
Courage managérial
Ceci étant dit, il vient un temps où certaines personnes ne sont pas en mesure de passer par-dessus leurs préoccupations ou qu’elles n’aient pas la volonté de le faire malgré toutes les approches utilisées. À ce moment, une discussion franche doit avoir lieu avec l’individu sur ses besoins, ceux de l’organisation et sur l’avenir de cette relation. En discuter avec cette personne est probablement le meilleur service que vous puissiez lui rendre. Car si elle est constamment en dissonance avec l’organisation, elle n’y sera jamais heureuse ni épanouie . Ce qui équivaudra à une situation perdant-perdant.
L’humain au cœur de l’organisation
Vous constaterez que j’utilise le terme capital humain plutôt que ressources humaines. À mon avis, il est temps que nous cessions de parler des humains comme d’une ressource, d’un actif, mais que nous les traitions comme un avoir important, un capital essentiel à l’organisation et sa pérennité.
Ceci dit, vous constaterez que ma perspective centralise l’humain comme étant au cœur de tout le processus de transition lors d’un changement. Les relations, l’écoute des préoccupations, la proximité des gens devraient être la pierre angulaire du pilotage de vos projets. Le changement a beau être parfait sur papier, c’est un processus évolutif pour tous les acteurs et qui ne s’exprime pas de la même façon pour tous. Il faut donc y aller avec un peu de subtilité pour augmenter vos chances de succès et réduire vos demandes de changements! Bon succès dans vos transformations!
Présentation de l’auteur
Félix Létourneau M. Sc.
Directeur Services aux membres et opérations
Félix Létourneau est détenteur d’une maîtrise en développement organisationnel. Il est gestionnaire d’une équipe dans le milieu financier depuis 10 ans. L’humain est au cœur de son leadership et il possède d’ailleurs un blogue sur le sujet ainsi que sur le développement personnel. Un passionné du pouvoir du capital humain en entreprise !
[1] BAREIL, Céline, Gérer le volet humain du changement, Transcontinental, 216 pages[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]