Avez-vous déjà eu l’impression que votre projet ne se termine jamais, surtout lorsqu’il est achevé à 90 % ? Et que dire des 10 % restants qui semblent prendre autant de temps que le temps nécessaire pour atteindre les 90 % d’achèvement ? Si vous avez répondu oui à ces deux questions, vous êtes probablement familiarisé avec le syndrome des 90 % dans la gestion de projet.
En pratique, le syndrome des 90 % fait référence à un projet qui est réalisé à environ 90 % comme prévu, mais, qui, à partir de ce point, voit sa performance décliner et commencer à prendre du retard. Une fois le projet terminé, on constatera alors que la durée du projet a doublé par rapport à la date initialement prévue (Ford & Sterman, 2003), la figure 1 illustre l’idée. De plus, on constera aussi, au-delà de la livraison tardive du projet, un dépassement très probable des coûts, et de frustration du commanditaire et d’autres parties prenantes du projet.
Figure 1 – Syndrome des 90 % dans la gestion de projet.
Ce syndrome n’est pas nouveau puisqu’il a été identifié dans de nombreux secteurs d’activités, en particulier dans le secteur informatique, le développement de produits nouveaux ou encore la construction (Abdel-Hamid, 1988 ; Ford & Sterman, 2003). D’après les travaux précurseurs d’Abdel-Hamid, ce dernier suggère que l’interaction de deux causes est à l’origine du syndrome des 90 %, ce que nous présentons ci-dessous.
La première est l’inexactitude des estimations du projet
La sous-estimation des activités du projet entraîne le besoin de ressources supplémentaires à un stade avancé du projet, en raison de la nécessité d’exécuter les activités non planifiées. Cependant, cette situation peut avoir des effets contre-intuitifs sur l’avancement du projet, car lorsque de nouvelles ressources rejoignent le projet, elles mettent du temps pour être productives. C’est ce que l’on appelle l’effet de la courbe d’apprentissage. Cet effet réduit, dans un premier temps, la productivité réelle du projet et affecte mécaniquement le taux d’avancement du projet. Il faudra alors attendre un certain délai pour que la productivité du projet augmente à nouveau tout comme l’avancement du projet.
La seconde cause est l’imprécision de la mesure de l’avancement du projet
En général, le rapport d’avancement du projet vise à présenter le niveau de réalisation des activités du projet. Par exemple, si l’estimation d’une activité est fixée à 10 jours et qu’au 6e jour le rapport d’avancement considère que l’activité est accomplie à 60 % sans toutefois vérifier si les 60 % du travail ont été réalisés, le rapport d’avancement ne reflète pas la réalité et la perception de l’avancement réel du projet est biaisée.
Afin d’atténuer le syndrome des 90 %, voici quelques recommandations utiles. Il est nécessaire d’anticiper autant que possible les activités du projet et les ressources nécessaires, en accordant une attention particulière aux activités présentant des niveaux élevés d’incertitude, dès lors qu’elles devront probablement être retravaillées. Dans le rapport d’avancement du projet, il convient d’évaluer non seulement l’achèvement de l’activité, mais aussi la quantité de travail encore nécessaire pour la terminer. Selon Abdel-Hamid (1988), une visibilité plus précise de l’état d’avancement du projet dans les premières phases du projet permet des ajustements opportuns du projet, ce qui contribue à atténuer considérablement le syndrome des 90 %.
Bibliographie
Abdel-Hamid, T. K. (1988). Understanding the “90 % syndrome” in software project management: A simulation-based case study. Journal of Systems and Software, 8(4), 319-330. doi:10.1016/0164-1212(88)90015-5
Ford, D. N., & Sterman, J. D. (2003). Overcoming the 90% Syndrome: Iteration Management in Concurrent Development Projects. Concurrent Engineering, 11(3), 177-186. doi: https://doi.org/10.1177/106329303038031
À propos de l’auteur
Elle est diplômée en génie électrique (baccalauréat et maîtrise). Elle détient également un MBA et un DBA dans le domaine de la gestion de projet. Erika a consacré sa thèse de doctorat sur le retravail de conception technique en projet de développement de produit aéronautique. Elle a travaillé au sein de grandes entreprises du secteur automobile et aéronautique, dont Delphi Automotive Systems, Airbus Hélicoptères, Embraer et Bombardier aviation. Elle est professeure en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ses intérêts de recherche portent sur les erreurs et le retravail, le changement d’ingénierie, la prise de décision dans la gestion de projets de développement de produits complexes.