Dans le dernier article, nous avons présenté la structure des équipes de travail chez Spotify, leurs déclinaisons et leurs regroupements. Dans cet article, nous survolerons les méthodes de travail des équipes, ainsi que la culture d’entreprise Spotify favorisant l’autonomie, la confiance et l’innovation.
Les livraisons devraient être une routine, pas un drame!
Chez Spotify, les équipes sont encouragées à effectuer de petites livraisons fréquentes et investissent énormément dans les tests automatisés et la livraison continue. Pour ce faire, l’organisation a dû procéder à quelques modifications à son interface.
À l’époque, l’interface utilisateur était un tout, ce qui rendait les livraisons laborieuses et nécessitait énormément de planification et d’arrimages entre les escouades, afin de ne rien impacter. Cette méthodologie pouvait rapidement devenir problématique, car il arrivait que la version soit instable pendant plusieurs mois, à la suite d’une livraison. Plutôt que de mettre en place tout un éventail de règles et de processus, Spotify a changé complètement l’architecture de son produit, afin d’instaurer des livraisons dissociées (decoupled releases). Ce changement à l’architecture a engendré la création d’escouades spécialisées selon trois grands axes :
- Les fonctionnalités : Les escouades se concentrent sur une seule fonctionnalité et la gère de bout en bout, comme la barre de recherche par exemple.
- L’application client : Les escouades sont responsables de rendre les livraisons faciles sur les diverses plateformes telles que l’application de bureau, sur IOS, ou sur Android.
- L’infrastructure : Les escouades ont pour objectif de rendre les autres escouades plus efficientes.
Ainsi, le portail a été transformé, rendant chacune des sections indépendantes les unes des autres. Chaque escouade est donc responsable de sa partie et autonome de livrer quand bon lui semble. Pour ses déploiements, Spotify utilise des trains de livraison, comme on le fait en SAFe. Les trains « partent » régulièrement, soit toutes les semaines, ou toutes les trois semaines, selon le type d’application client, ce qui nécessite beaucoup moins de planification. Il arrive toutefois que des synchronisations soient nécessaires pour les livraisons.
C’est un peu comme lorsque l’on part en voyage, si les trains passent fréquemment, le déplacement ne nécessite pas beaucoup de planification, car si on le manque le premier train, le prochain passera dans quinze minutes. Cependant, s’il s’agit d’une destination particulière, le train peut passer une fois par semaine seulement, il faut donc se préparer davantage pour s’assurer de ne pas le manquer.
Un climat de confiance
L’entreprise suédoise le sait très bien, laisser à chaque escouade son autonomie pour lancer ses fonctionnalités en production sans trop de contrôles formels en place, vient avec son lot de risques. Et il arrive que des escouades échouent! Cependant, pour les dirigeants de Spotify, la confiance est plus importante que les contrôles. Ils mentionnent : « Pourquoi aurait-on embauché une personne en qui nous n’avons pas confiance? »
Le climat qui règne prône un environnement sans politique et surtout sans crainte. Spotify croit que la peur tue la confiance, mais surtout l’innovation. Si les échecs sont punis, plus personne ne voudra prendre de risque et innover. Les échecs sont d’ailleurs encouragés! Il est possible que derrière chaque nouvelle fonctionnalité innovante se cachent plusieurs échecs. Ainsi, l’entreprise vise des échecs plus rapides, car ces échecs sont aussi de l’apprentissage. En échouant rapidement, on apprend rapidement, et on s’améliore plus rapidement aussi.
Il s’agit donc de travailler à savoir rebondir immédiatement après les échecs plutôt que de les éviter à tout prix. À un tel point que les échecs vont jusqu’à être célébrés par certaines escouades, qui possèdent un « mur des célébrités » pour y afficher leurs échecs. Ils sont tous suivis d’un post-mortem où l’objectif n’est pas de lancer une chasse aux sorcières et trouver à qui revient la faute, mais plutôt d’identifier ce que les équipes ont retenu et ce qu’elles feraient différemment la prochaine fois.
Par exemple, lorsqu’une anomalie est identifiée et qu’un ticket de prise en charge est ouvert, il n’est pas fermé lorsque l’anomalie est résolue. Le billet reste ouvert jusqu’à ce que les équipes aient identifié les apprentissages qui en découlent afin d’éviter la même problématique une seconde fois.
Par l’architecture dissociée, présentée précédemment, si une escouade commet une erreur, celle-ci impacte seulement une toute petite partie spécifique, plutôt que de faire crasher l’ensemble de l’application. Chaque nouvelle fonctionnalité est alors initialement testée et surveillée, sur un petit groupe d’abonnés. Spotify appelle cette étape une « onde de choc limitée ». Si la fonctionnalité ne se comporte pas comme prévu, ce n’est qu’une petite portion de l’application qui est impactée et pour un petit groupe d’utilisateurs seulement. Ainsi, les escouades sont en mesure d’expérimenter énormément de nouvelles fonctionnalités, sans avoir à analyser, tenter de prédire et contrôler les risques qui pourraient survenir.
Dans le prochain article, nous aborderons comment est effectué le développement de produit chez Spotify.
Références
- Kniberg, Henrik. (2019, 30 juillet). Spotify Engineering Culture – Part 1 (aka the « Spotify Model ») [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=Yvfz4HGtoPc
- Kniberg, Henrik. (2019, 30 juillet). Spotify Engineering Culture – Part 2 (aka the « Spotify Model ») [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=vOt4BbWLWQw
À propos de l’auteur
Mathieu Dupré est détenteur d’un Baccalauréat en Psychologie (UQTR), d’un Certificat en CyberEnquête (Polytechnique Montréal) et actuellement étudiant à la Maîtrise en Gestion de Projet (UQAR). Il travaille auprès d’une institution financière depuis 11 ans et a notamment occupé des postes en lutte au blanchiment d’argent et en intelligence d’affaires. Il a ensuite agi comme Responsable de Produit sur les projets de maintenance des outils internes et d’une solution innovante en matière de sensibilisation en sécurité. Il œuvre actuellement à titre de Responsable de Produit pour des solutions en sécurité corporative, sur le programme Enquêtes, Liaisons et Renseignements.