Pourquoi de nombreux projets échouent-ils ? Pourquoi dépassent-ils les limites ? Le professeur Terry Williams nous explique “pourquoi”. Son étude basée sur l’analyse post-mortem de projets ayant échoué (Williams, 2005), s’appuie sur la littérature de modélisation systémique du comportement des projets complexes afin de trouver des explications aux dépassements de ces projets et aux effets contre-intuitifs des actions managériales bien intentionnées.
L’objectif de cet article est de discuter les trois facteurs (complexité structurelle, incertitude et contrainte de temps), identifiés par Williams, qui contribuent à de tels résultats dans le cas de projets complexes gérés avec les méthodes traditionnelles de gestion de projet.
Les projets complexes se caractérisent par leur complexité structurelle, c’est-à-dire qu’ils comportent de nombreuses et variées parties interconnectées (Marle & Vidal, 2016). La complexité structurelle du projet telle que présentée par Eppinger et Browning (2012) peut être visualisée à travers 3 dimensions: le produit, l’organisation et le processus. Par exemple, dans la dimension organisation, un projet complexe peut avoir de nombreux fournisseurs avec des cultures organisationnelles variées.
Habituellement, les résultats des projets complexes sont des solutions one of a kind, game-changers, disruptives, innovantes et/ou complexes. Mais leur point commun est qu’ils comportent plus de questions que de réponses sur le résultat du projet et les moyens d’y parvenir (Turner & Cochrane, 1993). C’est un scénario parfait pour travailler dans l’incertitude et prendre des décisions sans en connaître exactement les conséquences.
Les projets complexes, comme tout autre projet, sont soumis à des contraintes de temps, ce qui signifie que le projet est lancé avec un délai précis pour atteindre ses objectifs. Pour les organisations à but lucratif, le temps c’est de l’argent, elles sont en compétition dans un marché concurrentiel, dans lequel livrer leur solution complexe avant ses concurrents est un défi. À défaut, elles peuvent perdre, par exemple, des opportunités ou des parts de marché prévues. Des actions managériales sont donc nécessaires pour terminer les projets dans les délais prévus.
Maintenant que les trois facteurs ont été présentés, nous devons comprendre pourquoi ils contribuent, dans leur ensemble, à de tels résultats des projets complexes.
Pour simplifier, la complexité structurelle peut être décrite comme un réseau d’éléments interconnectés de sorte qu’un changement apporté à l’un de ces éléments aura probablement un impact sur un autre. Si l’on considère que les décisions, dans les projets complexes, sont prises dans un contexte de grande incertitude, il est probable que des changements futurs soient nécessaires. Ceux-ci peuvent avoir un effet boule de neige dans le réseau d’éléments interconnectés. En outre, étant donné que le projet est limité dans le temps, tous ces changements peuvent avoir lieu au cours du projet. Ce qui augmentera la charge de travail à effectuer, et le temps pour les exécuter doit être limité dans le cycle de vie du projet.
Cependant, les méthodes traditionnelles de gestion de projet visant à contrôler le projet en termes de calendrier ont des effets contre-intuitifs en raison de la combinaison de ces trois facteurs. Ainsi, même si elles sont bien intentionnées, les actions managériales visant à remettre le projet sur les rails, par exemple en réduisant les activités ou en faisant des heures de travail supplémentaires, n’aideront pas à contrôler le projet, mais aggraveront la situation. Et, finalement, le projet coûtera plus cher et sera livré en retard. Et devinez ce qui contribue à toute cette histoire ? Mon sujet d’étude préféré : le retravail, mais il sera abordé dans un autre article…
Bibliographie
Eppinger, S. D., & Browning, T. R. (2012). Design structure matrix methods and applications: MIT Press.
Marle, F., & Vidal, L.-A. (2016). Managing Complex, High Risk Projects: A Guide to Basic and Advanced Project Management. London: Springer.
Turner, J. R., & Cochrane, R. A. (1993). Goals-and-methods matrix: coping with projects with ill defined goals and/or methods of achieving them. International Journal of Project Management, 11(2), 93-102.
Williams, T. (2005). Assessing and Moving on From the Dominant Project Management Discourse in the Light of Project Overruns. IEEE Transactions on Engineering Management, 52(4), 497-508.
À propos de l’auteur
Elle est diplômée en génie électrique (baccalauréat et maîtrise). Elle détient également un MBA et un DBA dans le domaine de la gestion de projet. Erika a consacré sa thèse de doctorat sur le retravail de conception technique en projet de développement de produit aéronautique. Elle a travaillé au sein de grandes entreprises du secteur automobile et aéronautique, dont Delphi Automotive Systems, Airbus Hélicoptères, Embraer et Bombardier aviation. Elle est professeure en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ses intérêts de recherche portent sur les erreurs et le retravail, le changement d’ingénierie, la prise de décision dans la gestion de projets de développement de produits complexes.