Marie-Claude Quessy-Légaré|

Par une froide matinée de décembre 2024, au deuxième étage du Pavillon Alouette, sur le campus de Sept-Îles de l’Université du Québec à Chicoutimi, un trio d’organisateurs s’active fébrilement. Dans quelques instants, ils accueilleront quatorze participants pour une séance d’échanges de trois heures.

Les participants arrivent progressivement, et le groupe se forme naturellement. La séance débute par un tour de table, révélant la diversité des horizons professionnels : représentants d’industries multinationales des secteurs miniers et métallurgiques, professionnels du milieu portuaire, chercheurs du Cégep de Sept-Îles, ainsi que membres de la direction de la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam.

Mais qu’ont-ils en commun ?

Tous ces participants travaillent dans le domaine de la gestion de projet. Ils gèrent des projets de tailles et de complexités variées, et ensemble, ils forment la première communauté de pratique en gestion de projet à Sept-Îles. Durant ces trois heures, ils échangent autour d’un thème précis : les rôles et responsabilités en gestion de projet, le thème choisi par les organisateurs pour cette séance. L’objectif ? Distinguer les fonctions de leadership, d’opérations et de soutien. Chaque organisation décrit brièvement sa réalité et, à travers les différences de structures et de terminologies propres à chaque organisation, chacun trouve des points communs. Les discussions sont animées ; les participants partagent leurs défis, confrontent leurs perceptions et découvrent d’autres façons de faire. Cet apprentissage collectif pose les bases d’une collaboration originale.

Lancée en juin 2024, cette communauté de pratique connaît déjà un bel essor. Elle travaille à rapprocher praticiens et théoriciens pour renforcer les compétences collectives. En renforçant la collaboration entre les gestionnaires de projet de la région, cette initiative vise à améliorer la réussite des projets tout en favorisant le développement des organisations vers le modèle d’organisation apprenante, considéré comme le plus haut niveau de maturité en gestion de projet. C’est dans cet esprit que la communauté de pratique a vu le jour à Sept-Îles. Elle bénéficie de l’appui de chercheurs et de professeurs de l’UQAC spécialisés en gestion de projet, ce qui constitue un atout majeur pour sa pérennité et son impact.

Le rôle essentiel des communautés de pratique

La communauté de pratique en gestion de projet de Sept-Îles privilégie, pour l’instant, des rencontres en présentiel. Cependant, avec l’émergence de plateformes collaboratives comme Zoom et Teams, des échanges virtuels pourraient s’ajouter dans le futur, élargissant ainsi sa portée.

Au-delà des formats de rencontre, ces communautés incarnent la richesse des interactions entre professionnels issus de contextes variés. Elles sont des catalyseurs d’innovation et de progrès collectif, favorisant l’émergence d’idées nouvelles et l’amélioration continue des pratiques.

Exploiter les apprentissages tacites

Chaque projet, quelle que soit son envergure, est une source d’apprentissage. Par exemple, une équipe qui découvre que des suivis budgétaires hebdomadaires sont plus efficaces que des suivis mensuels améliore ainsi la gestion des projets futurs. De même, l’adoption de réunions quotidiennes de 15 minutes (stand-up meetings) aide à mieux coordonner les efforts et à résoudre les problèmes rapidement. Même les plus petits ajustements peuvent constituer des occasions précieuses pour améliorer les pratiques.

Les analyses post-mortem, quant à elles, sont une véritable mine d’or. Elles permettent de tirer des leçons spécifiques, qu’il s’agisse de stratégies à améliorer ou d’opportunités saisies. Quand on prend le temps de capter ces connaissances et que l’on a en plus l’occasion de partager ses apprentissages, l’évolution collective devient une réalité.

Les communautés de pratiques sont une manière efficace de faire progresser et valoriser les apprentissages tacites au sein de l’organisation. Chaque participant, qu’il soit débutant ou expérimenté, est un expert en devenir. Pour l’organisation, la collaboration entre des professionnels seniors et juniors constitue un véritable atout. Par ce côtoiement, « la communauté s’épanouit et apporte de la valeur aux organisations et à leurs membres » (Wenger, 2005). Cela représente un investissement stratégique, mais aussi une forme de reconnaissance de l’expertise de ses collaborateurs.

La gestion par projet : un levier stratégique

Au moment où la gestion par projet devient une norme dans de nombreuses organisations, maîtriser cette approche représente un atout stratégique, car les organisations qui échouent à respecter les délais, budgets ou ressources planifiés risquent leur crédibilité et leur compétitivité.

Pour atteindre l’excellence, les entreprises doivent non seulement exceller dans chaque phase de la gestion de projet, mais aussi s’engager dans une démarche d’amélioration continue. Cela implique une transformation culturelle portée par les dirigeants : valoriser l’apprentissage, reconnaître les erreurs comme des occasions de progression et promouvoir les succès comme des inspirations.

Un investissement durable

Encourager les employés à participer à une communauté de pratique enrichit non seulement leurs compétences individuelles, mais aussi les connaissances collectives de l’organisation. Avec le temps, il sera passionnant de mesurer les impacts concrets sur les milieux de travail et sur les entreprises partenaires. Cette démarche, axée sur le long terme, repose sur l’intérêt et l’engagement des participants. Elle incarne l’idée d’une organisation apprenante, où chaque interaction devient une opportunité d’amélioration et de progression.

Ainsi, la communauté de pratique en gestion de projet de Sept-Îles promet de devenir un pilier régional durable pour l’innovation et le succès collectif.

Référence :

Wenger, E. (2005). La théorie des communautés de pratique. Presses de l’Université Laval.

À propos de l’auteure

Marie-Claude Quessy-Légaré est gestionnaire aux opérations au Centre d’expertise ferroviaire RAIL du Cégep de Sept-Îles. Originaire de la Côte-Nord, elle a acquis une expertise en gestion de projet dans divers domaines, notamment dans la politique municipale et provinciale, dans la gouvernance organisationnelle et dans le réseau de la santé. Elle est titulaire d’une maîtrise en gestion des organisations de l’Université du Québec à Chicoutimi.