Lorsque je parle de la performance des projets en termes de coûts et de délais dans mes exposés, j’aime présenter des cas extrêmes, car ils illustrent bien les défis auxquels les chefs de projet doivent faire face. Cet article porte donc sur les performances de deux projets de développement d’avions : le Boeing 787 et l’Airbus A380, et sur certains des facteurs qui ont contribué à la performance de ces projets en termes de coûts et de délais.
Le projet de développement du Boeing 787 devait initialement coûter environ 20 milliards de dollars US et être réalisé entre 2004 et 2008. Mais qu’en était-il en réalité ? Le projet a fini par coûter deux fois plus cher, environ 40 milliards de dollars US, et a été réalisé en 7 ans au lieu de 4 (Shenhar et al., 2016).
Dans le cas du développement de l’Airbus A380, il était prévu qu’il coûte environ 15 milliards de dollars US et soit réalisé entre 2000 et 2005. Finalement le projet a coûté 25 milliards de dollars US soit 67 % de plus que les coûts prévus. Il a aussi été terminé en 7 ans au lieu des 5 ans prévu initialement dans le projet. (Kerzner, 2014; Stark, 2007; Tsang et al., 2019).
Ces projets de développement de produits sont des cas extrêmes qui ont créé des produits de rupture, que ce soit en raison de la technologie ou des dimensions gigantesques. En outre, puisqu’il s’agit de produits aéronautiques, ils doivent se conformer à des normes de qualité et de sécurité élevées. Examinons certains des facteurs qui ont contribué à la performance de ces projets en termes de coûts et de délais.
Le Boeing 787 était un avion très innovant dont le développement était prévu dans un délai très serré de 4 ans. L’introduction du système « fly-by-wire », qui remplace les commandes de vol mécaniques par une interface électronique, était une nouveauté pour Boeing. Des problèmes techniques avec ce nouveau système ont nécessité de nouveaux tests et des reprises de travail dans les dernières étapes du développement du produit. De tels tests et des reprises de travail n’avaient pas été prévus dans la planification et ont été l’un des facteurs qui ont contribué à l’augmentation des coûts et au retard du projet (Shenhar et al., 2016).
Dans le cas de l’Airbus A380 – l’avion de passagers le plus grand et le plus complexe qu’Airbus avait déjà conçu – pendant la phase d’installation, quelque 100 000 câbles électriques (ce qui équivaut à quelques centaines de kilomètres de câbles) étaient trop courts et ont dû être rejetés. L’une des causes identifiées était l’incompatibilité des informations entre l’équipe d’ingénierie de développement et l’équipe de production qui utilisait des logiciels différents. Il a fallu retravailler les définitions techniques et fabriquer les nouveaux câblages électriques. Un facteur qui a contribué à augmenter le coût et à retarder le projet (Clark, 2006; Kerzner, 2014).
Et dans les projets auxquels vous avez participé, avez-vous déjà fait l’exercice d’identifier les facteurs qui ont contribué au dépassement du budget et/ou retard de projets ? Quels sont selon vous, les plus courants dans les projets sur lesquels vous travaillez ?
Bibliographie
Clark, N. (2006, December 11, 2006). The Airbus saga: Crossed wires and a multibillion-euro delay. Business – International Herald Tribune. Récupéré à partir de http://www.nytimes.com/2006/12/11/business/worldbusiness/11iht-airbus.3860198.html
Kerzner, H. (2014). Project recovery : case studies and techniques for overcoming project failure. Hoboken, NJ: John Wiley & Sons.
Shenhar, A. J., Holzmann, V., Melamed, B., & Zhao, Y. (2016). The Challenge of Innovation in Highly Complex Projects: What Can We Learn from Boeing’s Dreamliner Experience? Project Management Journal, 47(2), 62-78. doi:10.1002/pmj.21579
Stark, J. (2007). Global product: strategy, product lifecycle management and the billion costumer questions. London: Springer-Verlag.
Tsang, A., & Segal, D. (2019). Airbus Retiring Its Jaw-Dropping Giant, the A380, in an Industry Gone Nimble Image. Récupéré à partir de https://www.nytimes.com/2019/02/14/business/airbus-a380.html
À propos de l’auteur
Érika Souza De Melo est diplômée en génie électrique (baccalauréat et maîtrise). Elle détient également un MBA et un DBA dans le domaine de la gestion de projet. Erika a consacré sa thèse de doctorat sur le retravail de conception technique en projet de développement de produit aéronautique. Elle a travaillé au sein de grandes entreprises du secteur automobile et aéronautique, dont Delphi Automotive Systems, Airbus Hélicoptères, Embraer et Bombardier aviation. Elle est professeure en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ses intérêts de recherche portent sur les erreurs et le retravail, le changement d’ingénierie, la prise de décision dans la gestion de projets de développement de produits complexes.