Non, mot à connotation négative souvent considéré en gestion de projet comme une démonstration de résilience ou tout simplement de laxisme. Nous sommes nombreux à s’être fait cette réflexion, puis-je dire NON à mon client sans risquer de perdre sa confiance, son appui? Dans ce contexte, doit-on toujours répondre par l’affirmative à ses demandes?

Sincèrement…NON, malgré l’adage qui énonce que le client a toujours raison…

En gestion de projet, ce n’est pas la réalité. La gouvernance d’un projet passe forcément par la prise de décisions difficiles, voir drastiques, orienté dans le simple et unique objectif de livrer le résultat final selon les critères définis à la phase d’élaboration et validés auprès des utilisateurs finaux. Notre cheminement conduit à tenter de définir l’essence même de l’importance de gérer adéquatement les requêtes de son client.

Pour les praticiens, on se souviendra que le PMBOK comporte un groupe de processus qui traite de la gestion des demandes de changement (Processus exécution) en lien avec le domaine de connaissance de l’intégration et dans le sous-processus 4.3 Direction et gestion des travaux du projet. Avant d’utiliser cette mécanique, le gestionnaire de projet aura avantage à déterminer s’il y a matière à changement et évaluer s’il est nécessaire de dire non ou pas au demandeur. La réflexion qui suit donne des réponses à cette problématique.

Une prise de conscience du « POURQUOI » permet de mettre à partie nos expériences et d’arriver à définir un « COMMENT». Cette étude du « COMMENT » a pavée la voie à une certaine définition de la réflexion en lien avec ce type de décision propre à la gestion de projet. Cet article présente la démarche et le résultat développé pour cheminer jusqu’à cette « RÉFLEXION ». Cette analyse est principalement bâtie sur une méthode empirique, élaborée conjointement à partir des expériences des auteurs.

POURQUOI?

« Maîtriser la portée c’est assurer la pérennité du projet »   

L’ultime réponse s’illustre aisément en prenant en considération les principes du triangle d’or des projets (coût, qualité, délai). Malgré ce qu’on peut en penser, l’envergure d’un projet n’est pas un indicateur sur la quantité d’intervenants que le gestionnaire de projet aura à satisfaire. Bien entendu, ces parties prenantes dans un projet auront leurs mots à dire lors de la prise de décision et énonceront immanquablement des demandes supplémentaires à la portée initialement définie du projet. Dans la plupart des cas, si le client a conscience de la date de fin du projet, il ne connaît pas les délais imputés aux différentes activités, le cheminement critique des tâches ainsi que les efforts restants à être mis en place pour compléter les livrables du mandat dans le temps prescrit.

Sa méconnaissance des détails temporels, l’amène à avoir une vision simplifiée des conséquences et des risques que les changements auront sur le projet. Notamment, tel un Troyen, il ne saisit pas l’effet d’entraînement qu’aura sa requête. Bien sûr, pour les coûts, aucun problème, nous pigerons dans les marges d’imprévues, toutefois le client assimile difficilement le fait que les contingences sont là pour les imprévues! Et non, transformer la gestion de certaines activités du projet en un mode AGILE improvisé!

Dans un contexte d’absence de gestion efficace des demandes, les bénéfices escomptés du projet seront passablement diminués voir orientés principalement vers les parties prenantes les plus influentes du projet. Ainsi, la gestion des bénéfices se met alors à voir avec des œillères et tout porte à croire que l’ensemble des parties prenantes au projet ne retirera pas les bénéfices planifiés. Par le fait même, cette insuffisance génèrera immanquablement un échec au niveau de l’atteinte de certains des critères de succès attribués au projet.

L’ultime réponse s’illustre aisément en prenant en considération les principes du triangle d’or des projets (coût, qualité, délai). Malgré ce qu’on peut en penser, l’envergure d’un projet n’est pas un indicateur sur la quantité d’intervenants que le gestionnaire de projet aura à satisfaire. Bien entendu, ces parties prenantes dans un projet auront leurs mots à dire lors de la prise de décision et énonceront immanquablement des demandes supplémentaires à la portée initialement définie du projet. Dans la plupart des cas, si le client a conscience de la date de fin du projet, il ne connaît pas les délais imputés aux différentes activités, le cheminement critique des tâches ainsi que les efforts restants à être mis en place pour compléter les livrables du mandat dans le temps prescrit.

COMMENT?

La planification, la communication avec les différentes parties prenantes et surtout la validation des besoins auprès des utilisateurs finaux en phase de définition du projet sont la base d’une bonne entente. Ces trois ingrédients, bien maitrisés, permettent d’obtenir une argumentation étoffée lors de discussions entourant des demandes du commanditaire ou des parties prenantes qui auraient un impact néfaste sur le projet. Bien entendu, à ceci s’ajoute une bonne part d’habilité politique, qui avec un argumentaire bien préparé, mettra un client devant le fait que ces demandes pourraient nuire au projet et qu’il devra rebrousser chemin. Bien entendu, le non n’est pas la réponse unilatérale à dicter aux clients, toutefois il est suggéré de prendre du recul avant d’énoncer une réponse. Quelques minutes de réflexion peuvent sauver plusieurs jours en réalisation!

LES 4 ÉTAPES DE LA RÉFLEXION

Selon nous, il existe 4 étapes de réflexions essentielles qui sont basées sur une démarche rationnelle qui facilite les échanges avec le client et peut l’amener à cheminer dans sa propre réflexion. Elles démontrent bien la logique du gestionnaire de projet et expose sa réflexion derrière la demande, ainsi que l’argumentaire nécessaire pour expliquer en quoi la réponse négative ou positive donnée n’est pas le fruit du hasard.

1. Déterminer la portée

Tout d’abord, prendre le temps d’analyser la portée de la demande, est-elle SMART (spécifique, mesurable, acceptable, réaliste et temporellement défini)? Brime-t-elle l’atteinte de l’objectif du projet? Bref, considérer c’est prendre le temps d’analyser la demande sous toutes ses coutures. Afin de bien cerner les différents critères d’analyse d’une demande nous avons développé un outil servant à identifier rapidement les risques en lien avec les demandes du client. L’objectif premier de cet outil, nommé la boussole de la réflexion, est d’orienter la prise de décision d’une problématique. Évidemment, il ne suffit pas de répondre à cette grille pour obtenir la vérité absolue, le passage des 4 étapes est toutefois nécessaire à la bonne prise de décision.

2. Documenter

Documenter, documenter et documenter la situation afin d’être en mesure d’évaluer toute les facettes de la demande et aussi pallier à toutes questions qui pourraient être adressées suite à la diffusion de la décision concernant la demande. Bien entendu, toute la documentation du plan de projet doit être mise à contribution, mais aussi les expériences personnelles dans des projets similaires ou l’avis de collègues. Plus la documentation sera rigoureuse, plus facile sera la négociation.

3. Analyser

Afin de demeurer dans le rationnel, il est important de cibler les objectifs, les critères de succès, ainsi que les risques identifiés au projet afin de bâtir son argumentaire. Nos expériences mutuelles nous rappellent qu’il existe plusieurs critères de succès dont certains utilisés pour l’amorce de la réflexion. En voici quelques-uns : viser des objectifs réalistes et réalisables, obtenir l’adhésion des personnes impliquées, maintenir la motivation, coopérer, gérer les relations interpersonnelles, répondre aux besoins, réduire les risques et assurer le suivi constant du projet. En ayant en tête ces critères, il reste à établir une liste d’avantages et d’inconvénients en lien direct avec la demande.

4. Implanter, remplacer ou annuler

Après toutes ces réflexions, peut-être cette demande est-elle recevable, si non y a-t-il une solution alternative qui peut être proposée au client. Qu’est-ce qui peut être réalisé ou non? Est-ce possible d’inclure un élément partiellement, ou doit-on tout simplement refuser la demande? Le rôle du chef de projet est de devancer le client sur son propre argument, en ayant pensé à toutes les possibilités de résultats de la demande. Cette étape est la construction de l’argumentaire de la discussion qui suivra avec le client. C’est à cette étape que les habilitées politiques font leur entrées pour la diffusion de l’orientation qui aura été prise et la mise en plan d’un plan d’action s’il y lieu.

Bref, ces quatre étapes peuvent sembler ardues, mais elles sont sans aucun doute essentielles pour bien guider et accompagner son client dans l’atteinte de son objectif initial, c’est-à-dire le projet auquel le responsable de projet a été assigné.

UNE BOUSSOLE DE RÉFLEXION

Pour faciliter la réflexion, quoi de mieux qu’un outil qui fait réfléchir? Une série de questions objectives qu’il faut répondre lors de la première étape du processus de prise de décisions. L’objectif de l’outil est de donner un aperçu rapide de la pertinence d’intégrer ou non une demande dans le projet.

La boussole s’opère simplement suivant quelques lignes directrices :

  • Indiquez l’importance des axes de priorisations du projet (1 le moins important et 3 le plus important)
  • Répondre aux questions en apposant un X devant la réponse de votre choix.

Suivant les réponses, vous aurez comme résultat un indicateur de définition du risque associé à la demande. Voici un exemple:

CONSTATS

Le cheminement de la réflexion face à la demande du client, montre d’abord et avant tout qu’elle a réellement été considérée de même que le temps requis pour en faire l’analyse. En soi, c’est un argument de poids pour convaincre un client, c’est une preuve tangible que c’est voué à l’échec. Ajoutez-y une bonne dose de diplomatie et le combat est gagné pour convaincre le client.

Aussi, nous n’avons pas traité des changements requis ou essentiels à un projet. Dans un tel cas, le gestionnaire de projet se doit d’être un excellent acteur de changements et de gérer efficacement les situations qui l’exigent.

Lors d’une conférence donnée à Montréal le 16 février dernier, le co-fondateur de APPLE a bien énoncé l’importance de la gestion de la portée et du contenue sous forme d’un conseil :

«Le secret du succès est de livrer des résultats novateurs de qualité dans un temps de plus en plus limité. La solution : Apprendre à discerner lorsqu’il est temps de livrer la version «pilote» d’un produit ou d’un service. Le fameux « work in progress ». Il faut faire évoluer nos produits et services dans le temps, en fonction de la demande et autofinancer les améliorations par les revenus de nos premières ventes. Il faut donc accepter d’être imparfait»[1]

Cette citation nous rappelle que le résultat final doit rencontrer le ou les objectifs du projet. Toutefois il ne règlera possiblement pas tous les problèmes ou demandes associés aux différentes parties prenantes du projet. Au final, dire non, c’est ne pas promettre plus loin que ce qui est possible. Il va s’en dire qu’il faut une bonne préparation et des arguments adéquats pour signifier au client que sa demande ne sera pas réalisable. Par conséquent, prendre le temps de déterminer la portée, de documenter, d’analyser et finalement d’établir un processus de réflexion au sujet d’une demande supplémentaire assure en grande partie le succès du projet. Le mot non peut paraître à priori réfractaire, négatif mais en gestion de projet, c’est un allié de taille. L’utiliser à bonne dose, au bon moment, est assurément un critère de succès.

 

À propos des auteurs

Les quatre auteurs sont des diplômés du certificat en gestion de projet de l’Université Laval. Ils cumulent conjointement 65 ans en gestion de projet dans divers sphères d’activités; évènementielles, infrastructures et organisationnelles.

 

En haut à gauche:Nicolas Boucher est associé et directeur de projet pour l’entreprise Dynamitage Hardroc.

En haut à droite : Marie-Hélène Tanguayest coordonnatrice de l’animation socioculturelle pour le Conseil des écoles Fransaskoises.

En bas à gauche: Alain Tessier, PMP, est chef d’équipe et de programme pour Construction de Défense Canada.

En bas à droite : Sébastien Boucherest coordonnateur de projet pour Construction de Défense Canada.

 

 

[1] https://www.lesaffaires.com/blogues/genevieve-desautels/deux-conseils-de-steve-wozniak-cofondateur-de-apple/576487