Nicolas Paquet |

Advanced Introduction to Megaprojects, par Nathalie Drouin et Rodney Turner, Cheltenham, Edward Elgar, 2022, 224 p., $ 25,16 (paperback) ISBN: 9781800883314

Les mégaprojets font les manchettes. Cristallisant les attentes et les désirs, ils suscitent aussi la crainte et la méfiance. Lancer ou abandonner de tels projets peut déstabiliser des gouvernements ou les mettre en grâce auprès des populations. Mais est-il possible de bien gérer ces projets ? 

L’ouvrage de Drouin et Turner s’intéresse à la performance des mégaprojets. Alors que l’approche du PMI est moderne, mettant l’accent sur les facteurs temps, coûts, qualité et contrôle, les auteurs défendent une approche postmoderne, ouverte à l’incertitude et aux modes de raisonnement alternatifs. 

Les auteurs montrent que l’approche conventionnelle ne fonctionne plus. Employée par défaut, elle ne concorde plus avec la réalité. Aujourd’hui, définir des cibles, favoriser la versatilité et le travail d’équipe supposent la flexibilité. Le succès des mégaprojets doit être jugé par leur réalisation finale plutôt que par l’adéquation aux estimations préalables. À ce jour, il manquait un ouvrage comme celui-ci, affirmant que les choses changent durant un mégaprojet, et qu’un contrôle strict peut bloquer son avancement.

Le constat posé est que les mégaprojets sont entrepris par les pouvoirs publics pour créer de la valeur sociale. Passer d’une emphase mise sur les chiffres à une emphase mise sur les personnes est nécessaire. En effet, les projets d’ampleur ne sont plus des succès si les objectifs de temps et de coûts sont respectés ; mais bien si les utilisateurs sont capables de faire sens de leur réalisation et sont satisfaits.

Selon Drouin et Turner, le pourquoi, le quoi, le qui et le comment des mégaprojets sont incompris. La performance des organisations n’est pas qu’économique ; elle est aussi socioenvironnementale. Les mégaprojets émergent des besoins collectifs. Le pourquoi des mégaprojets invite à recentrer la discussion sur la question du bon projet, de la valeur souhaitée et de la solution à un problème, plutôt que sur celle de la réalisation technique. Pour que les décisions soient comprises, autant les bénéfices que les impacts, il faut les rendre explicites. 

La non-linéarité est aussi le propre des entités complexes. Un petit changement peut produire de grands effets. Réponses à des défis sociopolitiques, organisationnels et financiers, le quoi des mégaprojets porte à reconnaître que les gestionnaires ont des capacités limitées : cognitives ; informationnelles ; de calendrier ; également de prévision et de contrôle. 

De multiples acteurs affectent également ces projets. La communication entre l’équipe projet et les parties prenantes internes/externes est primordiale pour cerner les besoins, créer du support et prévenir les conflits. Le rappel du qui des mégaprojets accroît notre vigilance à l’égard des intérêts en présence, valeurs et enjeux. Il invite à une meilleure identification, analyse et inclusion des parties prenantes. Dorénavant, l’identité des communautés et la négociation sont jugées incontournables lors du montage de projet, de la prise de décision et du marketing.

Enfin, la structure des organisations est névralgique. Le comment  des mégaprojets implique les comités d’administration, le contexte de réalisation et le pilotage des projets. Transparence, redevabilité, responsabilité et équité sont les nouveaux principes de management et de gouvernance de ces projets. Le rappel du comment des mégaprojets pousse à recadrer l’attention sur l’initiation et la planification, l’appréhension des problèmes et les scénarios permettant d’identifier les leviers, risques et alternatives. 

Salué par la critique, le livre représente une contribution à la compréhension des mégaprojets. Si l’examen de la littérature permet de constater que de plus en plus de chercheurs s’intéressent au sujet, il manquait une telle introduction, pointant les polémiques, et écrite pour les étudiants et les praticiens.

À propos de l’auteur

Nicolas Paquet est doctorant en aménagement du territoire et développement régional (ATDR) à l’Université Laval à Québec. Il complète, à cette même université, un microprogramme en administration des affaires/gestion stratégique de projets. Nicolas se spécialise en gestion des grands et des très grands projets d’aménagement et de développement ; et, plus particulièrement, en gestion de projets maritimes, portuaires et logistiques. Ses recherches doctorales portent sur les pratiques d’aménagement et de développement portuaires : prospective maritime ; planification portuaire stratégique ; gestion des projets majeurs et mégaprojets ; gouvernance des interfaces entre les villes et les ports. En 2022, Nicolas a remporté le prix du meilleur papier lors du colloque étudiant du Consortium international de recherche sur la gouvernance des grands projets d’infrastructures (Kheops).