Entretien réalisé en mai dernier avec M. Benoit Boivin, secrétaire associé du dirigeant principal de l’information au Secrétariat du Conseil du trésor.
Propos recueillis par Marc Lafontaine, PMP, Vp bulletin PMI Lévis Québec
NDLR: Près de quatre ans après sa mise en oeuvre, qu’en est-il de la Loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et entreprises du gouvernement? Cette Loi dont ont dit qu’elle a eu des effets considérables sur la façon dont sont autorisés et gérés les projets. Bien que son champ d’application soit spécifique aux projets en ressources informationnelles, ses principes s’appliquent bien à d’autres domaines de la gestion de projet et sont également pertinents pour le secteur privé.Les lecteurs (trices) moins familiers avec ce sujet, pourront revoir un artilce publié sur ce sujet dans une édition précédente du bulletin 1].
Qu’a permis la mise en œuvre de la Loi?
Chaque année, le gouvernement investit des sommes considérables dans le domaine des ressources informationnelles (RI). Comme pour ses autres activités, il doit s’assurer d’en obtenir la juste valeur. La mise en œuvre de la Loi, des règles et des principes qui en découlent permet d’obtenir un portrait plus juste de l’ensemble des projets en cours d’exécution dans les organismes publics (OP). Outre la transparence acquise, tous les OP se réfèrent dorénavant aux mêmes exigences pour leurs projets. L’état de chacun des projets est présenté ponctuellement au tableau de bord sur l’état de santé des projets en RI et est évalué selon des critères communs de coût ou d’échéancier.
La Loi a également conduit à plus de transparence de la part des OP, ce qui a contribué au rehaussement de la gouvernance des projets. Les OP ont mis en place des bureaux de projets et intégré, dans leurs pratiques, la gestion de portefeuille et de risque. Autant d’éléments pour une gestion améliorée et qui reposent notamment sur le référentiel du PMI (le PMBOK).
Quand on utilise le vocable « OP » cela réfère au fait que la Loi s’applique autant aux projets des organismes publics qu’à ceux du secteur de la santé et des services sociaux ainsi qu’au réseau de l’éducation (incluant les cégeps, les universités et les commissions scolaires). Qu’en est-il des impacts de la Loi sur ces autres secteurs?
Au début de son application, l’accent était surtout mis sur les ministères et les organismes (MO). Toutefois, les bonnes pratiques en gouvernance ou en gestion des projets en RI s’appliquent à tous les secteurs. C’est une volonté claire d’obtenir un portrait complet de tous les secteurs et il est primordial de faire en sorte que toute l’Administration gouvernementale s’appuie sur des pratiques exemplaires en matière de gouvernance et de gestion des RI.
À cet égard, en ce qui concerne le réseau de la santé et des services sociaux, on constate plus de transparence et une progression significative dans l’appropriation des principes qui sous-tendent la Loi par les gestionnaires de ces organismes. Pour ce qui est du réseau de l’éducation et de l’enseignement supérieur, des travaux sont en cours afin de diffuser l’état de santé des projets en ressources informationnelles. Ce n’est qu’une question de temps pour y arriver.
En décembre 2014, la nouvelle version du tableau de bord sur les projets en RI a été mise en ligne sur le site du SCT. Est-elle à la hauteur des attentes?
Le tableau de bord sur l’état de santé des projets en RI du gouvernement du Québec permet aux organismes de présenter au grand public l’état de santé de leurs projets autorisés de 100 000 $ ou plus , en phase de réalisation, d’implantation ou de rodage.
Chacun de ces projets est présenté en détail, on y retrouve la description du projet, des informations sur l’investissement autorisé, les dépenses réalisées, les échéanciers, certains commentaires et explications de l’organisme responsable du projet ainsi que les indicateurs de coût et d’échéancier révélateurs de l’état d’avancement réel du projet. L’indicateur de coût est basé sur la variation du coût du projet par rapport au budget autorisé. Alors que l’indicateur d’échéancier est basé sur la variation au niveau de l’échéance du projet. Les données peuvent être consultées par portefeuille ou par projet spécifique. De plus, des faits saillants sont présentés permettant de dresser un portrait global des données colligées.
Le suivi de l’état de santé des projets présentés au tableau de bord constitue un outil complémentaire et essentiel au suivi réalisé par les organismes. En effet, il permet une identification rapide des éventuels problèmes et écueils pouvant survenir lors de la réalisation d’un projet. Il devient alors possible, le cas échéant, d’agir promptement s’il devenait nécessaire de redresser un projet en difficulté. En ce sens, il procure une capacité d’anticipation pour une gestion rigoureuse des investissements du gouvernement en RI.
Nos efforts se poursuivent afin d’améliorer le contrôle et la qualité des données présentées au tableau et appuyer la volonté de transparence du gouvernement du Québec à l’égard de la population ainsi que celle pour une gouvernance renforcée de la gestion des RI. Le tableau de bord est accessible à l’adresse suivante : www.tableaudebordprojetsri.gouv.qc.ca
Illustration partielle du contenu du tableau de bord
Note : la vue présentée ici ne porte que sur quelques projets actifs.
Qu’en est-il de l’obligation de produire des dossiers d’affaires?
La réalisation de dossier d’affaires prévue à la Loi permet de s’assurer que les besoins et les coûts ont été bien définis et évalués. Différentes questions sont soulevées : Quelle est l’origine du projet? Que veut-on améliorer? Comment veut-on s’y prendre? Quelle valeur le projet va-t-il générer? Comment sera encadrée sa réalisation? Des questions auxquelles il faut répondre au bénéfice de l’organisation elle-même. Lorsque l’on doit présenter un dossier, c’est aussi faire face à notre propre réalité et notre niveau de préparation. Quand les réponses sont imprécises, on peut se questionner sur la suite des choses.
Quelle importance doit-être accordée à la continuité de la gouvernance dans les projets?
La réussite d’un projet est souvent associée à la continuité de l’équipe qui le livre et celle qui en assure la gouvernance. Dans cette perspective, il est essentiel que les leaders d’un projet soient des ressources internes qui savent ce qu’ils veulent accomplir et qui seront aux commandes lors de la réalisation du projet. Certains dossiers ont été revus ou retirés après réflexion sur cette question par les demandeurs eux-mêmes.
Quels sont les projets priorisés?
Un projet doit répondre à l’un ou l’autre des trois éléments fondamentaux suivants en vue de son analyse : sa rentabilité, sa désuétude avérée ou une obligation légale à respecter. L’un de ces éléments, ou une combinaison de ceux-ci doivent faire l’objet d’une démonstration claire de la part de l’OP demandeur. En fait, ces critères réfèrent à la nécessité du changement et, selon l’envergure du projet, le questionnement peut être plus important.
Quelle est l’importance du facteur temps dans la réalisation des projets?
On constate que les projets qui se déroulent sur de longues périodes connaissent souvent des difficultés. La continuité dans l’action est un facteur reconnu de succès. Pour cette raison, il est recommandé de réaliser des projets sur un horizon plus court et dans un contexte où la gouvernance est la plus stable possible.
Quelle est l’importance de l’accompagnement offert dans la réussite des projets?
L’accompagnement offert a, comme premier objectif, de faire du projet une réussite. Il permet de soutenir les OP tout au long du processus et de s’assurer que les projets présentés s’inscrivent dans une vision globale de performance. Ce qui assure que les projets choisis sont soutenus par une approche cohérente et qui repose sur un portefeuille et des programmes structurés.
Depuis quelques années, on constate une amélioration notable de la part des OP au niveau de l’arrimage entre les projets et la vision d’affaires.
Comment situez-vous la contribution de l’analyse d’affaires au changement observé?
Une meilleure connaissance des besoins d’affaires en amont des projets ne peut que favoriser la concertation des parties prenantes autour d’une même compréhension de la finalité d’un projet et de ses objectifs. Ce consensus est important, car il influence le contenu de ce qui sera livré par la suite. Dans ce contexte, comme l’analyse d’affaires propose des moyens pour définir clairement les besoins d’affaires, elle ne peut qu’aider à livrer la valeur attendue que l’organisation est en droit d’espérer lorsqu’elle investit dans un projet.
Que pensez-vous de la récente certification en analyse d’affaires (PMI PBA – Professional in Business Analysis) proposée par le PMI?
Cette certification reconnaît l’importance de l’analyse d’affaires pour les gestionnaires de projet. Elle ajoute une contribution positive à leur expertise. On constate que la conduite des dossiers d’affaires demande un bon sens de l’analyse de la part de l’équipe qui la réalise, mais aussi, une capacité de gérer le dossier comme tout autre projet. La combinaison gagnante est probablement un(e) chargé(e) de projet avec des notions en analyse d’affaires qui coordonne la réalisation du dossier d’affaires.
L’un des objectifs de la Loi est d’améliorer la gouvernance des projets. A-t-on atteint cet objectif?
Il s’agit d’un processus évolutif. À mon sens, l’implication des hauts gestionnaires demeure essentielle pour une réelle gouvernance des projets. Ces derniers devraient être les premiers « promoteurs » des projets et, à ce titre, mieux les connaître et les suivre. Ce sont eux qui vont ensuite les défendre comme s’ils allaient voir leur banquier! Le résultat est que les projets sont globalement mieux définis et mieux suivis. Ce qui ne peut que favoriser une
livraison plus conforme aux attentes exprimées.
Mot du secrétaire associé au dirigeant principal de l’information (ajouté en août 2015)
En juin dernier, le ministre responsable de l’Administration gouvernementale et de la Révision permanente des programmes et président du Conseil du trésor rendait publique la Stratégie gouvernementale en technologie de l’information – Rénover l’État par les technologies de l’information. Les défis sont nombreux, mais les enjeux sont essentiels pour faire des technologies de l’information « un véritable levier de transformation et d’innovation ».
Je vous invite à consulter la Stratégie présentée au site Internet du Secrétariat du Conseil du trésor.
« Cette nouvelle stratégie propose des changements significatifs non seulement dans notre façon de gouverner, de gérer et d’investir, mais également dans la manière de penser les technologies de l’information au gouvernement du Québec. »
Notes biographiques M. Benoit Boivin
Benoit Boivin, Secrétaire associé du dirigeant principal de l’information, Secrétariat du Conseil du trésor
Depuis juin 2013, responsable du Sous-secrétariat du dirigeant principal de l’information, monsieur Boivin participe à la mise en place des orientations gouvernementales en matière de ressources informationnelles. De concert avec le dirigeant principal de l’information, il oriente et encadre les interventions du gouvernement du Québec dans les domaines porteurs et fortement effervescents des technologies de l’information et des communications (TIC).
Diplômé en management et en informatique de gestion, monsieur Boivin a occupé divers postes de gestion en ressources informationnelles. Ses expériences, tant à la fonction publique dans plusieurs organismes et ministères qu’au sein du Mouvement Desjardins, lui ont permis d’acquérir une solide connaissance des défis propres au TIC.
Convaincu de la nécessité de constituer et de maintenir une communauté engagée d’intervenants en ressources informationnelles, monsieur Boivin siège au conseil d’administration du Réseau Action TI.
Notes biographiques M. Marc Lafontaine
Marc Lafontaine, PMP Conseiller d’affaires en RI et en gestion de projet au sein de l’équipe Multiforce
M. Lafontaine cumule 29 ans d’expérience en gestion des RI dans les secteurs public et privé. Son savoir-faire a été mis à profit à titre de chef de projet dans des dossiers d’envergure qui intégraient des aspects technologiques et humains (planification et livraison de projets, études et dossiers d’affaires, architecture, accompagnement stratégique, médiation).
Titulaire d’un baccalauréat en administration des affaires (option systèmes d’information), il détient également un certificat en philosophie. Il siège au conseil d’administration du PMI Lévis-Québec à titre de vice-président responsable du bulletin.
[1] La gestion des projets et la gouvernance: un mariage nécessaire – Les ressources informationnelles et la Loi 133, fév. 2013. Voir ici.