NDLR : Cet article est un collectif de cinq auteurs. Bravo !
Où y a-t-il une place pour les émotions en gestion de projet ?
Pour s’adapter à un monde en mouvement et en continuel changement, l’intelligence QI ne suffit plus. Notre manière d’appréhender les étapes de la vie est déterminante. Nous devons quotidiennement faire appel à ce que l’on nomme l’intelligence émotionnelle : notre capacité à utiliser au mieux nos émotions et notre intuition.
Selon plusieurs lectures sur le sujet, le concept de l’intelligence émotionnelle a fait, et fait encore l’objet de nombreuses controverses. Ce concept, d’intelligence émotionnelle est relativement nouveau. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour découvrir exactement ce qu’il englobe et la manière la plus efficace de l’appliquer. Malgré les nombreuses recherches dont elle a fait l’objet au cours de la dernière décennie, on continue à débattre les points de vue sur la légitimité de ce concept et de sa capacité à être enseignée ou perfectionnée.
À l’opposé des tests de QI, les tests de QE (Quotient Émotionnel) sont très subjectifs puisque le candidat demeure libre de pouvoir sélectionner la réponse qui implique, selon lui, une meilleure maîtrise de ses émotions en étant tout à fait conscient que ce ne serait pas son comportement naturel contrairement au test de QI qui exige une compréhension et une résolution du problème basé sur un raisonnement logico-rationnel.
Pourtant…
Dès nos tout débuts sur le marché du travail, on nous disait que la dimension émotionnelle, les émotions en management devaient s’abstenir de franchir le seuil de l’entreprise. Pourtant, le dirigeant est constamment confronté à ses propres démons et à ceux de ses collaborateurs, car les émotions affectent directement l’efficacité individuelle et collective.
Un bon dirigeant (leader) doit exceller dans la tâche fondamentale qui consiste à motiver et provoquer des émotions positives chez ses employés, afin qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Les émotions sont présentes dans toutes les activités humaines. La notion d’intelligence émotionnelle est très liée au domaine de la gestion, plus particulièrement au management, au leadership, à la gestion des ressources humaines, à l’entrepreneuriat et à la négociation.
Les bons chefs de projet sont experts en compétences techniques, comme la définition de la portée et du contenu, la création de plans de projet et le suivi des coûts. Mais celui-ci doit également exceller dans les compétences humaines comme le développement de l’esprit d’équipe, la collaboration, la négociation et les relations interpersonnelles. C’est là que l’intelligence émotionnelle (IE) entre en jeu.
L’intelligence émotionnelle entre en jeu
Un chef de projet possédant une forte IE a conscience de ses propres émotions, dit Dr. Nicholas Clarke, maître de conférences à la Southampton Management School. « Il est important de rester calme, de bien réfléchir à une situation et de ne pas répondre en se basant sur votre instinct émotionnel initial », dit-il. Il rajoute : « Les chefs de projet peuvent essayer de reconnaître quand et comment leurs propres sentiments affectent comment ils répondent dans des situations particulières et si ceux-ci sont ou pas utiles. Nos émotions affectent si rapidement ce que nous faisons que nous n’en sommes souvent pas même conscients ».
La maîtrise de nos émotions et de nos relations interpersonnelles pourrait être un atout majeur pour notre carrière en gestion. En fait, nous ne croyons pas qu’il soit de mise de vraiment faire référence au terme « gestion » de nos émotions. Les émotions sont vitales pour l’humain et sont les signaux d’alarme d’un besoin non comblé. Il est donc primordial d’être à l’écoute de ceux-ci. Il faut donc comprendre que lorsque l’on dit « maîtrise ou gestion des émotions », on fait référence à la maîtrise de l’expression de l’émotion.
5 compétences élémentaires
Il y a en tout cinq (5) compétences élémentaires et essentielles dans notre vie professionnelle que nous devrions développer telles que définies par l’auteur, psychologue et journaliste scientifique Daniel Goleman :
1) La conscience de soi : la capacité de reconnaître et de comprendre les humeurs personnelles, les émotions et les moteurs internes, ainsi que leur effet sur les autres. Les indicateurs de conscience de soi comprennent l’auto-assurance, l’auto-évaluation réaliste, et un sens de l’humour autodérisoire. La conscience de soi dépend de la capacité à surveiller son propre état émotionnel et d’identifier et nommer correctement ses émotions.
2) La maîtrise de soi : la capacité de contrôler ou rediriger les pulsions et les humeurs perturbatrices, et la tendance à suspendre le jugement et de réfléchir avant d’agir. Les indicateurs comprennent la fiabilité et l’intégrité, ainsi que l’acceptation de l’ambigüité et l’ouverture au changement.
3) La motivation : un moteur interne qui va au-delà de l’argent et du statut, qui sont tous deux des récompenses externes : vision de ce qui est important dans la vie, le plaisir d’accomplir une tâche, la curiosité d’apprendre, un « flux » qui vient de l’immersion dans une activité. Une tendance à poursuivre des objectifs avec énergie et persistance. Les indicateurs comprennent une forte envie d’accomplissement, de l’optimisme à l’épreuve des échecs et un engagement organisationnel.
4) L’empathie : La capacité de comprendre la structure émotionnelle des autres. Une habileté à traiter les personnes en fonction de leurs réactions émotionnelles. Les indicateurs comprennent l’expertise dans la construction et le maintien du talent, la sensibilité interculturelle et le service aux clients. L’empathie concerne l’intérêt et l’implication dans les émotions des autres, la capacité à sentir ce qu’ils ressentent.
5) La maîtrise des relations humaines : l’habileté dans la gestion des relations et dans la construction de réseaux, ainsi qu’une capacité à trouver des points communs et de construire des liens. Les indicateurs des compétences sociales comprennent l’efficacité dans la conduite du changement, le pouvoir de persuasion, la création d’expertise et le leadership des équipes.
Performance d’équipe et relations humaines
Beaucoup d’organisation et de chercheurs se sont penchés sur les facteurs rendant une équipe performante. Dans le cadre de ce questionnement, les travaux de Google ont particulièrement retenu notre attention. On peut très bien s’en douter, Google doit disposer d’une très grande quantité d’équipe livrant de multiples projets. Ils ont donc voulu connaître la clé du succès d’une équipe gagnante et performante. Ils ont nommé cette étude, « Le projet Aristote ». Ce projet fut initié en 2012 par Julia Rodovsky, ancienne consultante, chercheuse à Harvard et analyste au sein des Ressources humaines de Google. L’objectif : Découvrir les modèles et principes derrière les équipes les plus efficaces.
Le New York Times rapporte que malgré un travail de fournir des informations sur 50 recherches académiques, près de 200 entrevues d’employés de Google, l’analyse de 250 attributs reliés à la personnalité (introverties/extraverties, leadership, communication, mixité, etc..) et ce, sur plus de 180 équipes Google, l’équipe de Julia Rodovsky n’arrivait pas à définir des modèles reproductibles et prévisibles de l’efficacité d’une équipe.
Ce n’est qu’après avoir été inspirée par une étude de 2008 produite par des psychologues et orientée sur l’intelligence collective de Carnegie Mellon, M.I.T et de l’Union College que les équipes du projet Aristote firent la découverte permettant de différencier les équipes performantes de celles dysfonctionnelles.
Voici donc la conclusion du projet Aristote concernant les clés constituant une équipe performante :
- La sécurité psychologique : la capacité à s’exprimer et prendre des risques sans se faire rabrouer par un leader
- La co-dépendance : la capacité et la confiance partagée entre les membres de l’équipe dans la production d’un travail de haute qualité
- La clarté des structures et des buts : les objectifs et les plans pour les atteindre sont-ils clairs ?
- Le sens : travaillons-nous ensemble à quelque chose d’important pour chacun d’entre nous ?
- L’impact : croyons-nous fondamentalement que notre travail compte ?
Vous serez d’avis que les 2 premières clés sont directement liées à nos compétences relationnelles. Les autres clés ont également un lien indirect avec les notions de l’intelligence émotionnelle. Les clés de la clarté, du sens et de l’impact relèvent un peu plus des compétences de communicateur et de leadership, mais les 5 compétences élémentaires proposées dans le modèle de Goleman favoriseront le développement des 3 dernières clés révélées par le projet Aristote.
Mais encore : comment appliquer tout ça au quotidien ?
Ce qui est particulièrement dommage est que peu importe le cursus scolaire emprunté, qu’il soit en gestion de projet, en gestion des affaires et même au niveau d’un cursus de ressources humaines, les notions de maîtrise et de contrôle de soi ainsi que les compétences relationnelles sont très peu abordées, laissant un très grand vide dans nos capacités à bien gérer nos différentes interactions humaines que ce soit au travail ou dans notre vie personnelle. Soyons francs … :
- Y a-t-il de la gestion humaine dans la gestion de projet ?
- Devons-nous gérer des conflits humains ?
- Devons-nous assurer un leadership sans autorité hiérarchique sur notre équipe ?
Ce dernier point est particulièrement important puisque nous ne sommes pas d’emblée un leader. Le leadership n’est pas quelque chose que nous avons, c’est un privilège octroyé par une équipe. En réalité, les membres de l’équipe vont décider, volontairement ou non, si vous êtes digne d’être leur leader. Comment cette décision sera-t-elle prise ?
Principalement par vos capacités à rencontrer les 5 clés révélées par le projet Aristote. Vous devrez donc être en mesure de :
- D’assurer un climat propice au développement de nouvelles idées sans jugement. De vous assurer que tous peuvent librement s’exprimer et être écouté. Échanger avec vos pairs de façons respectueuses;
- Implanter un climat de confiance entre les membres de votre équipe;
- Communiquer clairement les objectifs et attentes envers votre équipe;
- Définir un sens au projet et ses répercussions.
Charité bien ordonnée…
Pour répondre à ces critères, il faut d’abord faire le choix d’effectuer ce travail sur vous-même. Développer ses compétences relationnelles va au-delà de la mise en pratique des techniques ou protocole d’exécution. Il s’agit d’un travail en continu. Il faut porter un regard constant sur nous-mêmes et cette introspection débute par la nécessité d’apprendre à nous connaître nous-mêmes.
L’émergence de vos émotions sera le résultat d’un besoin non comblé à l’intérieur de vous-même. Il faut apprendre à se connaître afin de faciliter l’identification de ses besoins émotionnels au moment opportun.
Au départ, un test de personnalité permettra d’identifier les accises de cette compréhension. Il ne s’agit pas de tests en ligne gratuits, mais bien de tests de personnalité encadrés pour lequel les résultats seront expliqués et décortiqués par une personne certifiée en la matière. On peut mentionner les outils Swiss Nova et MBTI comme tests possibles. Suivant leurs résultats, vous devrez continuer vos recherches. Peut-être apprendrez-vous que vous êtes introverti ou extraverti. Peut-être saurez-vous si vous êtes de type cognitif, intuitif, ou rationnel, etc…
Permettez-vous d’explorer plus en détail ces différentes caractéristiques de votre personnalité. Cette étude vous permettra de mieux comprendre pourquoi vous réagissez de telle ou telle manière dans diverses circonstances. Dans le feu de l’action, cette compréhension facilitera vos périodes d’introspection et donnera un certain recul lorsque viendra le temps d’exprimer une émotion émergente.
Et si cette initiative vous apportait plus que devenir un meilleur chargé de projet !
Bien sûr, vous aurez compris que ce travail sur vous-même vous permettra de grandir intérieurement et devenir, par le fait même, une meilleure version de vous-même en plus d’être un gestionnaire de projet plus efficace et inspirant. Par ailleurs, ce travail contribuera à votre bien-être et votre bonheur.
Comment ?
On doit ici se référer à l’étude dont Robert Waldinger, directeur du « Harvard Sturdy of Adult Development » est actuellement responsable. Je dis en charge puisque cette étude est toujours en cours et dure depuis maintenant près de 80 ans et nous révèle actuellement deux conclusions :
- Connectez-vous à votre entourage;
- Ayez des relations de qualité.
À la lecture de ces conclusions, tout nous laisse croire que l’environnement de projet est un lieu propice au bonheur. Alors, souhaitons-nous d’être heureux dans vos projets !
Références
- L’Intelligence émotionnelle – intégrale, auteur : Daniel Goleman;
- Projet Aristote: voir ici. et article sur Google publié au New York Times Magazine : ici
- TedTalk – Robert Waldinger, Voir ici.
Présentation des cinq auteurs
Mme Annie Gosselin, M. Steve Lemay, M. Cédric Lambert, M. Salvador Masso et Mme Marie-Andrée Verville
Annie Gosselin. Courriel ici.
Étudiante finissante au certificat en Gestion de projet auprès de l’Université Laval. Ayant plus de 25 années d’expérience en soutien administratif, relation service à la clientèle et en vente. Présentement adjointe au suivi des projets, contrats et audits au sein d’Expertech Network Installation, depuis 7ans. Toujours à la recherche de nouveau défi pour 2017-2020 vers un autre certificat en Leadership du changement.
Steve Lemay. Courriel ici.
Steve cumule 17 années d’expérience dans le secteur des technologies de l’information. Cumulant cette expérience en milieu manufacturier, mais également par l’entremise d’entreprise de service informatique, il a pu couvrir toutes les facettes du milieu des technologies de l’information. Grand communicateur et vulgarisateur, il a mené des projets informatiques tant au niveau applicatif, infrastructure que “cloud” et ce, depuis maintenant plusieurs années. Steve se distingue par sa préoccupation à maintenir l’harmonie et le respect au sein de ses équipes de projet.
Cédric Lambert. Courriel ici.
Ma carrière a débuté dans le monde industriel. J’ai travaillé plus de 10 ans dans les opérations en tant que mécanicien industriel. Par la suite, j’ai eu la chance de devenir gestionnaire dans le réseau de santé. Maintenant gestionnaire des installations matérielles pour le CIUSSSE de l’Estrie / CHUS depuis plus de 5 ans, le certificat en gestion de projet m’a surtout permis d’acquérir de nouveaux outils de saine gestion, mais il m’a également assuré d’avoir un meilleure contrôle et suivi dans mes projets de plus grande envergure.
Salvador Masso. Courriel ici.
Avec plus de 30 ans d’expérience dans le domaine de la technologie de l’information, j’ai eu l’opportunité de participer et de gérer divers projets pour plusieurs entreprises dont EDS, Xerox et la SCHL/CMHC. Parmi les multiples tâches accomplies, j’ai été administrateur système et responsable des relations client où je me suis démarqué par ma grande capacité de vulgariser des informations techniques. Depuis bientôt 13 ans, pour CGI, je suis intégrateur d’infrastructure tout en étant administrateur et gestionnaire d’un groupe de copropriétés. Ces expériences professionnelles ont supporté mes capacités à reconnaître, comprendre et maîtriser ma propre intelligence émotionnelle ainsi que celle de mes collègues au sein d’une équipe multi-disciplinaire afin d’atteindre un objectif commun.
Marie-Andrée Verville Courriel ici.
Mme Verville a pratiqué un métier pendant 12 ans dans les arts textiles, incluant 9 ans de gestion de projets divers. Dans un désir d’approfondir ses connaissances et son expérience, elle a entrepris il y a 3 ans un nouveau parcours professionnel en administration et un certificat en gestion de projet à l’université Laval.