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Le 11 mai 2016 se tenait à l’ÉNAP une conférence riche en contenu innovant, au profit des gestionnaires et chefs de projets de la fonction publique, intitulée « Innovation publique à l’ère du numérique ».

La conférence a attiré plus de 80 gestionnaires publics et autant de chefs de projet & chefs d’équipe de travail. Un compte rendu officiel a été publié notamment sur le site de l’Énap. Les propos du présent article s’appuient sur les thèmes traités lors de cet événement de portée internationale rassemblant des conférenciers et des participants de Belgique, du Canada et de la France.

Dans le précédent bulletin, les thèmes suivants ont été traités:

  • Contexte de l’innovation;
  • Concepts fondamentaux ; typologie & processus de l’innovation publique;
  • Exemple d’innovation publique : que retenir du déploiement du réseau électrique;
  • Expérience belge : leadership en administration numérique;
  • Satisfaction-client.

PARTENARIAT PRIVÉ-PUBLIC

Le conférencier sur les partenariats privé-public a précisé d’entrée de jeux : « Le constat que je fais aujourd’hui en regardant les PPP qu’on nous présente comme une innovation, c’est qu’en fait ils n’en sont pas vraiment ! ».

En effet, les PPP qui nous sont présentés comme des modèles innovants obéissent plutôt à une simple « logique contractuelle », malgré tout assez classique. En pratique, un partenariat est habituellement conclu entre un  « Gouvernement » et une « Société de projet ». Prenons l’exemple du pont de l’Autoroute 25 situé entre Montréal et Laval, « le Gouvernement» ici représenté par « le Ministère des Transports » signe un contrat avec « une Société de projet ».

Celle-ci est une société privée, généralement un consortium formé de façon ad hoc pour réaliser l’infrastructure qui forme le projet. On dit aussi que c’est une compagnie à vocation unique (Special Propose Vehicle) dont l’existence n’a qu’une seule fin, qui est de créer, posséder et opérer un actif, en l’occurrence un pont. Ce type de compagnie n’est pas de durée illimitée, mais sa durée réelle correspond à la durée même du ou des contrats.

Habituellement, « la Société de projet » a relativement peu d’employés, très peu d’activités. Aussi, comment peut-elle construire un pont ou tout autre ouvrage d’art et durer 25, 30, 35 ou même 50 ans ? C’est que dans la structure fonctionnelle des PPP, « la Société de projet » va sous-traiter les activités de construction, de conception et les activités d’opérations et les activités d’entretien à d’autres firmes spécifiques de l’industrie.

«La Société de projet » va signer un premier sous-contrat qui s’appelle « le sous-contrat de construction », avec « une firme d’ingénierie » par exemple. En fait, pour être précis ce contrat devrait s’appeler « le sous-contrat de conception-construction ». C’est un contrat dans lequel il y aura par exemple des obligations de concevoir, de faire les plans et devis et de construire avec des entrepreneurs des infrastructures, telles qu’un pont ou une autoroute. La « Société de projet » va céder toutes les obligations qu’elle détient dans l’entente de partenariat, en matière de conception, et construction à son constructeur.

Elle va aussi céder toutes les obligations d’entretien à « l’Exploitant », la firme chargée d’exploiter l’infrastructure. Une fois la période de construction terminée, c’est un contrat global qui s’applique. Comme c’est un contrat global, il est impératif d’opérer le pont, enlever la neige en hiver, réparer les nids de poule, repeindre une fois tous les X ans, donc pratiquer l’entretien régulier. Là encore, c’est « la Société de projet » qui va s’occuper de ça, mais sans le faire elle-même. Elle va procéder en passant un contrat qui s’appellera « le sous-contrat d’exploitation ».

Il y a 5 choses que fait typiquement « une Société de projet » au sein d’un PPP : la conception, la construction, l’exploitation, l’entretien, et le financement. La « Société de projet » ne financera pas directement elle-même la construction de l’infrastructure. La construction d’un ouvrage d’art implique des coûts importants. Par exemple, pour le pont de l’Autoroute 25, c’était 265 millions de dollars CDN. La compagnie mandatée n’a pas toujours ce niveau de fonds disponible. Mais, « la Société de projet » étant une compagnie privée, elle va pouvoir financer ses activités de la manière la plus classique.

FINANCEMENT

Comment se finance une compagnie privée ? Une compagnie privée se finance généralement par deux véhicules, qui sont les mêmes pour toutes les compagnies privées, qu’elles exploitent un restaurant avec deux employés ou un pont de 265 millions de dollars, soit par des emprunts, soit par des capitaux propres, donc essentiellement par de la dette. « La Société de projet » va emprunter de l’argent à des prêteurs institutionnels. En général le ratio d’endettement est de 80 à 85 ou même 90 % d’argent emprunté et de 10 à 20 % d’argent des investisseurs. Dont typiquement 15 % en liquidité et 85 % en prêts. Il s’agit donc d’une société où l’effet de levier est vraiment important.

C’est là où l’innovation du partenariat commence à se démontrer. À regarder comment est structuré un PPP, il n’y a rien de bien innovant dans cette manière de faire, sauf peut-être, « la structure dans son ensemble ». Mais les relations elles-mêmes ne sont pas des relations classiques de partenariat d’affaires, « la Société de projet » donne à contrat la construction. « Le Constructeur » est une compagnie privée qui veut faire du profit, qui va essayer de construire l’ouvrage pour le moins cher possible, afin de maximiser son profit.

Même chose, « l’Exploitant » lui il veut une infrastructure de la meilleure qualité possible, et faire ce qu’il y a à faire pour le moins cher possible, pour obtenir le plus de profit. « La Société de projet », envers « son Principal », veut aussi faire tout ça avec le plus de profit possible et « les Prêteurs » veulent encore une fois faire eux aussi le plus de profit possible. Et tout cela est parfaitement normal.

Là où la dynamique commence à être intéressante, c’est quand on regarde la manière dont ça se fait. « Le constructeur », à l’intérieur de ses obligations va construire au coût le moins cher possible. Un exemple concret a été vécu au Centre hospitalier CHUM. « Le Constructeur » avait l’obligation de construire un plancher avec des tuiles, puisqu’il n’y avait pas de spécifications bien précises, il a décidé de mettre des tuiles de bonne qualité, mais certainement pas le grand luxe.

« L’Exploitant » s’y oppose. Car lorsque la construction sera terminée, dans une hypothèse des 3 à 4 prochaines années, il va devoir exploiter cette infrastructure pendant les 30 années suivantes. Par conséquent, il préfère de beaucoup qu’il soit utilisé des tuiles de bonne qualité, voire de meilleure qualité, parce que lorsqu’il va les exploiter, les laver, et devoir les changer quand elles seront brisées. Il a un intérêt sérieux à ce que ce soit construit le mieux possible.

DYNAMIQUE ENTRE LES PARTIES PRENANTES

Donc, il arrive souvent qu’il y ait une dynamique de relation conflictuelle – ou même d’affrontement – entre « le Constructeur et « l’Exploitant ». « L’exploitant » veut une infrastructure de la meilleure qualité possible, « le Constructeur » lui veut une infrastructure qui lui coûte le moins cher possible à construire. C’est pour cela qu’il existe « un contrat d’Interface », qui est essentiellement un mécanisme d’arbitrage, qui vise à régler les différends en matière de construction. « La Société de projet », face à ce type d’arbitrage, va devoir se poser la question de savoir si ça vaut la peine de dépenser un peu plus dans la construction, avec par exemple des tuiles de meilleure qualité, pour éventuellement sauver de l’argent à l’exploitation à long terme.

L’autre dynamique à bien comprendre est que « les Prêteurs » ont aussi leurs mots à dire, car ils vont prêter de 80 à 85 % et même parfois 90 % de l’argent pour du projet comme pour le centre hospitalier CHUM. Il s’agit de plusieurs centaines de millions de dollars (CDN) et parfois même des milliards. Et, 90 % de plusieurs milliards de dollars, c’est une « somme assez rondelette ».

Une particularité des PPP est que « la Société de projet » commence à être rémunérée seulement lorsque l’infrastructure est en opération. C’est-à-dire que pendant la construction, il n’y a personne qui débourse. « Les Constructeurs » vont dépenser l’argent qui a été prêté par « le Financier ». Une fois la mise en service effectuée de l’ouvrage ou infrastructure, donc après la période de construction, l’inauguration du pont et son ouverture à la circulation par exemple, il y aura des revenus d’exploitation.

« La Société de projet » engrangera alors des revenus seulement pendant la période d’exploitation. Tout le temps de la construction, qui peut durer jusqu’à 5 ans… ou parfois même plus, « la Société de projet » est donc très endettée envers « le Prêteur ». « Ce Prêteur » a donc intérêt à ce que la construction se termine le plus rapidement possible, et le mieux possible, pour voir ouvrir l’infrastructure, la rendre disponible aux utilisateurs, car c’est seulement à ce moment que l’infrastructure va commencer à générer des revenus.

Il faut comprendre qu’il s’agit d’une dynamique complexe, en termes de partenariat public-privé, qui est vulgarisée ici.

LE MONDE RÉEL

La logique et la rhétorique partenariale dans le partenariat public-privé, ne se vérifie pas toujours. Il y a 4 dynamiques qui relèvent beaucoup plus de l’affrontement que du partenariat en ce qui concerne les partenariats public-privé.

  1. Incomplétude importante des contrats de performance : rend le PPP vulnérable à l’ambiguïté des contrats. Si ce n’est pas clair dès le début, comme dans le cas des tuiles susmentionnées, cela peut créer des problèmes à long terme.
  2. Divergence des intérêts entre « le Constructeur » et « l’Exploitant » : favorise souvent une dynamique d’affrontent, plutôt que d’une véritable synergie constructive entre les acteurs.
  3. Rigidité des prix et des échéanciers induite par le PPP : génère un risque de dérapage au niveau de la qualité, dans la mesure où il y a des pénalités de retard très fortes. Ça génère une tendance à vouloir accélérer les choses un peu plus et ultimement ça génère des risques de réduction de qualité. Cette rigidité induite par le PPP nécessite aussi un contrepartie publique dotée de ressources importantes pour répondre aux demandes fréquentes « du Constructeur ».
  4. « Double agence » de « la Société de projet » : induit un risque de gouvernance important en cas de mauvaise performance. Elle nécessite également une grande coordination entre « le gouvernement » et « les Prêteurs ».

 COMPÉTENCES REQUISES

L’innovation a certes besoin d’un certain niveau d’indépendance et d’anticonformisme pour émerger, mais aussi de curiosité, de motivation, de prises de risques calculés, de persévérance, et tôt ou tard il faut aussi OSER changer ce qui existe déjà ! Ceci dans un contexte où l’organisation, publique ou privée, invite habituellement ses gens à être plus efficaces et efficients, soit à restreindre les choix possibles et à porter leur attention – et le focus – sur certains éléments bien précis, déterminé à l’avance.

Certaines compétences plus que d’autres, peuvent alors être recherchées, notamment face à la créativité : capacité d’émettre des idées originales / communication interpersonnelle / curiosité / indépendance / persévérance / résistance à la pression sociale / tolérance à l’ambiguïté / tolérance aux risques.

Kirton, en 1999, a proposé un modèle qui, en fait, est un continuum entre « l’Adaptateur prononcé » et allant jusqu’à « l’Innovateur prononcé ». Le tableau ci-dessous résume les principales caractéristiques de ces 2 styles cognitifs :

À la lecture des caractéristiques de ce tableau, on comprend aisément que les « Adaptateurs prononcés » contribuent au bon fonctionnement de l’organisation et accepte plutôt bien les changements, mais à l’intérieur de certaines balises; ce qui les conduit donc plus naturellement à « l’Amélioration continue » et à « l’Innovation incrémentale ». De leur côté, « les Innovateurs prononcés » jouent un rôle de premier plan dans les situations de grands changements, donc de « Changement radical » et « d’Innovation radicale ».

Ainsi, dans les organisations, on peut avoir besoin des deux styles créatifs, car chacun peut s’avérer être complémentaire de l’autre et aidant, selon la situation réellement vécue. Règle générale, dans les organisations publiques, les «Adaptateurs prononcés» fonctionnent sans trop de difficultés, mais les «Innovateurs prononcés» ont peut-être certains problèmes d’adaptation, d’acceptation par les autres personnes, mais aussi de reconnaissance par leurs pairs.

En suivant la « métaphore de la cuisine » pour les compétences. On a beau avoir des ingrédients frais, si l’on n’a pas de recette (processus) et de bons outils, on atteindra alors difficilement des bons résultats. De même, il faut que la cuisine elle-même soit fonctionnelle, pour bien fonctionner en équipe. En effet, faire seul de la cuisine n’est pas la même chose, que de le faire en équipe (même de 2 !).

La gestion traditionnelle de projet, qui garde constamment le focus sur les livrables et le suivi rapproché des ressources, laisse peu de place et de temps à la découverte, au partage et à l’acquisition de nouvelles compétences collectives. Il faut pourtant « laisser du temps au temps », afin qu’un véritable climat de travail collaboratif puisse émerger. En effet, dans les projets innovants, comme pour les autres activités de l’organisation où l’innovation est requise, il faut offrir une plus grande autonomie aux acteurs. Plus grand est le défi d’innovation, plus grand devrait être l’autonomie requise ou accordée.

CHANGEMENT

D’après une conférence, associée de chez Gartner; cette firme considère la démarche de « Gérer le changement, comme un projet en soit ». Cette démarche n’est donc pas une simple série d’activités opérationnelles successives, c’est un projet qui mérite d’être considéré comme un tout intégré. Gartner identifie 4 phases successives :

  1. Préciser un but, des mesurables / résultats spécifiques « Qui; Quoi; Quand » / impératifs du changement.
  2. Planifier, dédier des ressources / attribuer des rôles et des responsabilités / fixer un échéancier détaillé.
  3. Exécuter, bien communiquer / statuer sur les PPT «Personnes; processus; technologies » / pilotes.
  4. Mesurer, processus / résultats intermédiaires.

L’INNOVATION – UN PROCESSUS ITÉRATIF

La principale distinction pour une innovation, par rapport aux autres projets, concerne la « Baseline », ou « base temporelle de référence », ou « bâton de contrôle » utilisé en planification de projet. C’est qu’en innovation, à chaque 15 % des efforts ou de l’état d’avancement, il faut rebâtir notre cadre de référence (Baseline), parce que les choses bougent passablement et que la planification d’un projet d’innovation ressemble rarement longtemps à ce que l’on avait prévu au départ.  

On retrouve ici l’idée d’itération, comme c’est aussi le cas dans les méthodes agiles. Le fonctionnement en mode itératif influence également la valeur obtenue. Une évaluation de la valeur donnant souvent une valeur plus grande que celle anticipée au départ. L’innovation, dont il est question ici, ne concerne pas que les grands projets. On la retrouve dans tous les secteurs et aussi dans les projets de toute taille.

Terminons cet article avec quelques citations soulignées par les conférenciers :

  • « Parce qu’aucun de nous ne sait, ce que nous savons tous ENSEMBLE » — Euripide —
  • « Innover en équipe est une compétence à développer ensemble » — S. Fissette —
  • « Le meilleur moyen de prédire le futur est de le créer » — Peter Drucker —
  • « Parce qu’on a plus le temps de prendre de mauvaises décisions, agissons dès maintenant » DG du CIRODD
  • « La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne … La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi … Ici, nous avons réuni théorie et pratique, rien ne fonctionne . . . et personne ne sait pourquoi ! » — Albert Einstein —

Présentation des auteurs

Gérard Blanc, M.Sc, Adm.A, CMC est un Rédacteur & Conférencier recherché. Excellent communicateur, il est l’auteur de nombreux articles et autres documents, de vulgarisation ou encore de natures plus professionnelles, tels des procédures, méthodologies, guides, rapports divers. Reconnu pour sa capacité d’innovation, une très bonne vulgarisation de concepts compliqués ou complexes (systémiques), une vision stratégique avant-gardiste, et une collaboration efficace d’équipe, montrant ainsi une grande dextérité à rallier les participants à une Vision commune. S’appuyant sur une triple formation et une expérience diversifiée, scientifique, en affaires et en TI. Gérard est aussi un gestionnaire d’expérience et un intervenant stratégique de haut niveau, avec plus de 35 années de services professionnels dans les secteurs des affaires, de la gestion et des TI, pour un large panel d’organisations de toutes envergures.

 

Yvan Lauzon, MBA enseigne à l’ENAP à titre de Chargé de cours différents cours en Gestion de projet (GP) et en Gestion des ressources humaines dans un contexte technologique (eGRH). Depuis 1981, Yvan a occupé différents postes au sein d’organisations publiques & privées, notamment Adjoint de sous-ministre associé (adjoint du CIO au gouvernement du Québec), de 2006 à 2008. Parallèlement, Yvan enseigne depuis 1987 dans des programmes de Maîtrise d’universités canadiennes & étrangères, dont : MAP (Administration publique), MBA (Affaires) & MGP (Gestion de projet). Au niveau de ses recherches, Yvan réalisait en 2009 une étude qualitative sur le succès des projets publics en TI en interviewant 125 praticiens et 25 professeurs-chercheurs. Des initiatives complémentaires en 2012-2013, avec le concours d’associations francophones de praticiens en GP, ont permis d’identifier des Compétences requises des Chefs de projet, applicables à plusieurs types de projet.

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