Jacques Gaumond et Céline Morellon |
Dans la 1ère partie de cet article, nous avons traité des défis contemporains en gestion de projets ainsi que d’identification, hiérarchisation et interactions des valeurs.
Ensemble, nous avons constaté que certaines valeurs IVT[1] rejoignent naturellement celles des praticiens en gestion de projets, soit la stratégie, la rigueur et la crédibilité. Nous avons aussi noté que non seulement les valeurs IVT de reconnaissance, diplomatie ou recherche d’harmonie se révèlent plus fréquemment chez les leaders et gestionnaires de projets mais qu’elles s’arriment également avec des valeurs humanistes du groupe mondial PMI telles communauté, diversité et inclusion.
Voici maintenant la suite.
Valeurs et comportements : vers la congruence….
Comment utiliser les valeurs comme outils d’adaptation et d’influence au travail ?
Pour atteindre leurs objectifs, les gestionnaires de projet doivent maîtriser les interférences créées par le choc ou l’incohérence des valeurs de leurs groupes.
Par ailleurs, chaque individu vit régulièrement des conflits internes lorsqu’il prend des décisions. Les conflits de rôles internes (intra-personnel, intra-rôles ou inter-rôles), décrits dans les travaux de Katz et Kahn[2], trouvent un apaisement lorsque l’individu connaît, respecte et utilise ses valeurs au travail comme instrument d’adaptabilité.
En réponse à ces deux niveaux de complexité, il existe plusieurs méthodes permettant de filtrer les comportements à adopter et d’abandonner les comportements nuisibles ou non contributifs.
Tout d’abord, il faut comprendre le mode « utilité » des valeurs dans les comportements humains. La réalité est interprétée à travers nos valeurs (nos besoins fondamentaux), ce qui engendre des pensées et des sentiments (colère, joie, etc.) qui, à leur tour, déclenchent nos comportements. Lorsque l’on se trouve confronté dans nos valeurs fondamentales, ces sentiments nous amènent à réagir plutôt qu’à agir consciemment dans l’intérêt collectif. Ces schémas mentaux (selon la théorie de Young[3]), évidemment différents du réel, influencent notre jugement des situations.
C’est ici que les valeurs instrumentales ou protectrices, celles qui nous permettent de nous adapter et d’entrer en congruence[4] avec les autres, entrent en scène.
Dans son œuvre The nature of human values, Milton Rokeach démontre que les individus ont peu de valeurs immuables. Ainsi, nos valeurs et nos compétences comportementales peuvent évoluer. Elles nous aident à contrôler nos schémas mentaux et ainsi choisir des comportements plus appropriés au succès collectif. Par exemple, si votre valeur crédibilité est heurtée, une réponse instrumentale serait de puiser dans une autre de vos valeurs telle la rigueur ou la stratégie, selon celle qui rejoint le groupe auquel vous appartenez. Le but étant de faire le choix serein du comportement le plus contributif. Pour atténuer les zones de friction et d’inefficience, les gestionnaires ont la responsabilité d’incarner le respect de la diversité des valeurs du groupe, et par conséquent de faire adopter les comportements adéquats.
L’équation VIC[5] : V x I = C offre une mécanique simple pour identifier les comportements qui sont déterminés par la combinaison des valeurs et des intentions. Les valeurs de l’équipe (V) sont l’énergie que nous sommes prêts à mettre dans notre action alors que les intentions (I) représentent la direction que cette énergie devra prendre. Les comportements (C) constituent la résultante de ces deux premiers facteurs, soit l’action appropriée menant à l’atteinte des objectifs poursuivis.
Il est alors évident qu’une équation à zéro ou négative doit conduire à l’inaction sinon à la nuisance. Dans cette dernière situation, les facteurs V et I doivent être précisés ou réalignés jusqu’à l’obtention d’une équation positive.
Les valeurs humanistes pourraient avoir du mal à s’introduire dans les critères comportementaux d’une équipe aux valeurs plus raisonnées. Pourtant, l’utilisation de l’intelligence émotionnelle collective procure un sentiment de sécurité qui multiplie ainsi la mobilisation et la performance de l’équipe. Le VIC peut également servir de guide dans la coordination de l’équipe. Les facteurs V et I déterminés en collégialité (inventaire des valeurs et objectifs inspirants) permettent de cibler les compétences à développer ou à acquérir (par l’embauche), afin d’obtenir des équations positives en continu.
Valeurs et sens au travail : bien-être et accomplissement
Plus les valeurs significatives au travail nommées et proclamées par un individu sont pleinement vécues et en harmonie avec celles de ses groupes d’appartenance, plus l’individu vit et crée du sens au travail. Cet état de sens s’appuie aussi sur les niveaux élevés de motivation et d’énergie individuelle de la personne résultant d’une forte cohérence avec ses valeurs individuelles (personnelles et professionnelles).
Image 2 tirée de l’atelier La puissance des valeurs en gestion de projet, le 22 avril au Colloque PMI Lévis-Québec 2021
Comme on peut le voir à l’image 2, une personne confrontée à un désaccord ou à un conflit de valeurs avec une équipe ou un groupe d’appartenance peut se retrouver en quête de sens. D’autre part, même une congruence entre ses valeurs professionnelles et celles de ses groupes d’appartenance peut mener une personne à la perte de sens si la non-cohérence s’opère entre ces mêmes valeurs professionnelles et ses valeurs personnelles. Rappelons que tous ces ensembles de valeurs interagissent régulièrement et dynamiquement, ce qui constitue un défi et une opportunité à la fois.
Conclusion
Concrètement, si le fait d’être une équipe efficiente est corrélé à une congruence des valeurs de ses membres, l’atteinte de cette congruence devrait être la cible de tous les gestionnaires et leaders de projets. Cette cible doit survenir au début du projet et son niveau de qualité sera évalué par le bien-être ou le sentiment de sécurité ressenti par les coéquipiers.
Les étapes suggérées de mise en pratique pour y parvenir sont:
- Dresser l’inventaire des valeurs individuelles au travail;
- Discuter des constats en équipe-projets et déterminer les congruences comme les divergences potentielles;
- Sélectionner les valeurs qui donnent de l’énergie à l’équipe et qui convergent avec celles de l’organisation ou du client;
- Partager les valeurs communes, vivre pleinement les valeurs affichées et recadrer les comportements non contributifs au collectif.
Ces étapes mèneront à l’évaluation du sens au travail des coéquipiers et à des ajustements potentiels dans l’équipe afin de viser leur bien-être et leur accomplissement au travail.
N’hésitez pas à vous faire accompagner et bonne quête de puissance !!
[1] Inventaire des Valeurs au Travail (IVT) de Solutions TRIMA inc.; voir le site Web www.trima.ca
[2] Katz, D. et R.L.Kahn. (1966). « The Social Psychology of Organizations », Wiley&Sons.
[3] Young J.E. et J.S.Klosko (2013). « Je réinvente ma vie », Les Éditions de l’Homme.
[4] cohérence entre valeurs individuelles et valeurs collectives.
[5] Facteurs VIC, formule crée et promue par Céline Morellon, Leaders de valeur, 2019.
À propos des auteurs
Jacques Gaumond – M.Sc.A., PCC, Acc.Dir.
Coach, consultant et administrateur de sociétés
Jacques Gaumond agit à titre de coach professionnel et de consultant chevronné depuis plus de dix ans dans le domaine de la gestion et des affaires. Il accompagne des dirigeants et des gestionnaires d’entreprise ou d’organisation à améliorer l’impact de leur leadership sur le plan individuel ou de l’équipe. Jacques intervient aussi auprès d’organisations dans la préparation de la relève de direction, le développement des talents et la gestion du changement. Par ailleurs, il est conseiller certifié TRIMA depuis 2016, membre du chapitre Québec de l’Association of Change Management Professionals (ACMP) depuis 2015, et membre de l’International Coaching Federation depuis 2010.
Membre du Chartered Governance Institute of Canada depuis 2008, Jacques agit aussi à titre d’administrateur de sociétés depuis plus de vingt ans auprès d’entreprises à capital fermé ou d’organisations à but non lucratif.
Au préalable, Jacques a œuvré comme gestionnaire et cadre dirigeant dans le secteur des technologies de l’information et des services aux entreprises sur plus de trente ans, au Canada et à l’international. Il a acquis une expérience variée au sein de grandes et moyennes entreprises, dans des responsabilités d’ingénierie des systèmes, de marketing, de vente, de service à la clientèle, de services-conseils et de direction générale.
Passionné par l’impact des technologies de l’information et du développement des individus sur la performance des organisations, son parcours l’a souvent amené à être soit responsable de, collaborateur sur, ou en gouvernance de projets d’envergure notamment dans les secteurs de la technologie, de la construction et de la formation. Il continue à apprendre et à explorer de nouveaux moyens et outils afin de contribuer à la réussite de projets d’envergure ainsi qu’à l’épanouissement des membres de telles équipes-projet.
Jacques est détenteur d’un B.Sc. en informatique de l’Université de Montréal, d’une M.Sc.A. en télécommunications de Polytechnique Montréal et d’un diplôme en administration de HÉC Montréal.
Céline Morellon, CRHA
Directrice des ressources humaines et de la transformation organisationnelle
Céline Morellon, CRHA, est directrice des ressources humaines et de la transformation organisationnelle, entrepreneure et passionnée de gouvernance. Elle se veut un leader féminin, inspirant et influent, ayant à cœur l’inclusion, qui lorsqu’elle ne peut contribuer au bien commun, pose des actions pour ne pas nuire.
Diplômée en gestion des ressources humaines de l’ÉSG – UQAM, certifiée au système psychométrique TRIMA, et formée en amélioration continue, elle a développé sa méthode de conduite du changement VIC (Valeurs X Intentions = Comportements). En pratique privée, elle crée leadersdevaleur.com et agit comme entremetteuse entre les entreprises (TPE) et des consultants indépendants. Depuis plus de 15 ans, son parcours de gestionnaire lui a permis de créer et mobiliser des équipes de projets, d’accompagner la transformation de multiples organisations privées et publiques, notamment le Service de l’eau de la Ville de Montréal, et aujourd’hui la Société du parc Jean-Drapeau. Son expérience en gestion du changement et en coaching complète ses compétences en prévention (santé et mieux-être) et en négociation raisonnée, impactant le quotidien de milliers d’employés.