ELGUARNI Mehdi |

Dans la première partie de cet article, nous avons vu à quel point les ressources et les outils peuvent être des obstacles à une bonne maîtrise de projet. Dans cette deuxième partie, nous détaillons l’impact qu’ont d’autres éléments comme la culture et les processus sur la fonction de maîtrise.

La gouvernance est un élément qui caractérise les organisations et qui affecte directement les processus de maîtrise des projets. Les projets gérés au sein d’une gouvernance lourde et trop bureaucratique auront des problèmes de maîtrise vu le long chemin qu’il y aurait entre la mesure sur le terrain et la prise de décision et même l’application de l’action corrective/préventive adéquate. Ce chemin deviendrait encore plus long et plus difficile avec un système de prise de décision sur une des multiples couches managériales et avec une très forte dépendance à la validation des couches supérieures du management. S’en suit alors un manque dans la rapidité attendue d’une fonction de maîtrise optimale.

La maîtrise ne serait tangible et visiblement affectée que lorsqu’elle se terminerait par l’application des actions correctives/préventives et par conséquent la remise du projet sur les rails et la communication des prévisions sur les performances à terminaison. Ceci implique, impérativement, la nécessité d’un processus de gestion des changements hautement efficace et donc une maturité accrue de l’organisation en matière d’actifs organisationnels. À défaut d’un tel processus, et en plus d’un temps de latence relatif à l’action/réaction, la maîtrise fera place à la dérive, qui même légitime et nécessaire par moment, accentuerait encore un manque de précision dans les réponses aux écarts planifiés réalisés.

Une faiblesse dans la gestion des changements serait accentuée plus avec la réévaluation unilatérale des priorités dans le cas des projets avec plusieurs métiers au sein d’une même équipe de projet et surtout dans les structures fonctionnelles ou matricielles faibles. Le manque de coordination généré aboutit souvent sur des réaffectations abusives et non coordonnées des ressources selon les urgences, ce qui amène plus de flous sur les références de base du projet et dérègle la fonction de maîtrise.

Peter Drucker avait dit que la culture d’une entreprise ne fait qu’une bouchée de sa stratégie. Il en va de même pour la maîtrise des projets. Une organisation qui n’encourage pas la prise d’initiative et des risques au niveau individuel favoriserait plus la dépendance au management et multiplierait les couches décisionnelles comme explicitées précédemment. Une organisation où l’on accuse les gens et où l’on cherche le bouc-émissaire au lieu de cibler les causes racines et de corriger les défaillances de processus et de gestion, alourdirait la maîtrise de projet avec plus d’actions correctives que préventives. Finalement, les organisations qui favorisent les task-forces et la gestion de projet à tâtons plutôt qu’une gestion intégrant tous les domaines de connaissances du projet mettent en difficulté les équipes de gestion de projet, surtout celles responsables de la maîtrise, puisque les décisions sont prises d’une manière multidirectionnelle. La culture affecte alors directement la stabilité de la fonction de maîtrise avec des modèles de réponses illogiquement variables et aléatoires.

Les obstacles cités dans les paragraphes ci-dessus n’amenuisent pas les chances d’avoir une fonction de maîtrise de projet parfaitement efficace. Sauf que pour y arriver, il faudrait une gouvernance assez flexible et agile pour faciliter la tâche aux équipes de gestion de projet. La culture est aussi centrale, elle favoriserait la proactivité et permettrait la prise de risque mesurée en vue de privilégier le prédictif au correctif. Finalement, un PMIS bien dimensionné en fonction des caractéristiques du projet et des équipes bien préparées et formées à la gestion de la fonction de maîtrise.

Bibliographie

  • Project Management Institute, A guide to the Project Management Body of Knowledge seventh Edition and the Standard for Project Management, 2021
  • Project Management Institute. 2017. A Guide to the Project Management Body of Knowledge (PMBOK Guide). 6th ed. Newton Square, PA: Project Management Institute.
  • Project Management Institute, Managing Change in Organizations: A Practice Guide (2013)

À propos de l’auteur

ELGUARNI Mehdi

ELGUARNI Mehdi est ingénieur diplômé des Arts & Métiers et de l’Ecole des Ponts ParisTech, certifié PMP®, Prince2, ISO31000, SMAC et SPOAC et actuellement Chef de Projet dans le secteur des Energies. Il a géré des projets pendant 9 ans dans des projets de construction, de maintenance, d’études et de digitalisation. Il est aussi formateur en management de projet, bénévole du PMI France et rédacteur d’articles pour le PMI Lévis-Québec.