NDLR: Pour alléger le texte, les références sont regroupées à la fin de l’article, après la présentation de l’auteur. 

Les environnements informatiques (TI) sont aujourd’hui considérablement diversifiées et complexes. Les systèmes et les applications supportant les activités de l’entreprise sont fortement interconnectés et interdépendants. Les solutions informatiques développées et déployées par le truchement des projets contribuent à faire augmenter cette diversité et cette complexité car, de façon générale, on déleste peu.1

De ce fait, le contrôle de la croissance des coûts TI devient très difficile. Les risques liés aux modifications et à la mise en place de nouveaux services s’accroissent et viennent peser lourdement sur la performance et le succès des projets.2 Ce n’est pas un secret, plusieurs projets prennent l’eau avant même de quitter le port et certains couleront au large, nourrissant d’emblée blogs, éditoriaux et chroniques du lecteur.

Une étude publiée par Gartner montre que l’envergure d’un projet représente un risque d’échec. Selon cette étude, les projets dont l’envergure est inférieure à 350K$ ont le taux d’échec le moins élevé, soit 20% contre 28% pour les projets de plus de 1 M$3. Les écarts liés à la portée, aux retards et aux coûts compteraient à eux seuls pour plus 67% des causes d’échec (figure 1).

 

D’autre part, une étude réalisée par le PMI auprès de plus de 1000 professionnels de la gestion de projets, montre qu’au regard des mêmes considérations (portée, coûts, échéancier), les entreprises ayant un niveau de maîtrise élevé en gestion de projet ont une meilleure performance, soit 20% des répondants (figure 2).4 Une autre étude, celle-ci réalisée par l’Observatoire des projets en France, démontre une corrélation entre la réussite des projets, la détection des problèmes et la réactivité face aux problèmes et un niveau de maturité élevé des processus de gestion de projet.5

 

Mais le succès d’un projet ne s’évalue pas uniquement en fonction du respect des coûts, de l’échéancier et de la portée. D’autres éléments doivent être considérés. Il appert que la réussite d’une stratégie corporative est fonction du succès des projets que l’entreprise a choisis de mettre de l’avant.6

Lorsque les projets sont alignés avec les objectifs stratégiques, ils sont le plus souvent complétés avec succès (i.e. respect des coûts, échéancier, portée), mais surtout, ils procurent un plus grand potentiel de création de valeur pour l’entreprise que les projets qui ne sont pas alignés avec la stratégie corporative7. De projets dont on dit « un succès », doivent émerger des bénéfices, sources réelles de valeur pour l’entreprise, tels qu’un accroissement des revenus, une meilleure rétention des clients, des coûts moins élevés, un temps de mise en marché plus rapide. (Gartner 2005).

Des chercheurs ont mené une étude auprès de centaines d’entreprises nord-américaines, afin de déterminer l’impact de la gestion des TI sur la performance organisationnelle. L’analyse évaluait notamment la performance financière des entreprises au regard des variables suivantes:

  • l’orientation stratégique corporative;
  • la stratégie TI;
  • le degré d’alignement de ces 2 stratégies;
  • la qualité de la gestion des TI.

Les résultats de cette étude mettent en lumière que l’alignement entre la stratégie corporative et la stratégie TI a un impact direct sur la performance de l’entreprise, et ce, de façon plus importante que la stratégie d’entreprise elle-même (figure 3). Pour atteindre un alignement optimal, l’organisation doit s’assurer d’utiliser les TI en congruence avec ses stratégies, ses buts et ses besoins.8  Les dirigeants avisés s’assureront donc que l’allocation des ressources TI permet de maximiser cet alignement et prioriseront les projets qui contribuent directement aux objectifs d’affaires.

L’alignement de la stratégie corporative et de la stratégie TI sera d’autant optimale si l’organisation dispose de cadres de référence et méthodologiques (référentiels de bonnes pratiques) lui permettant d’analyser et d’améliorer l’efficacité de ses processus, tant ses processus opérationnels que ses processus de gestion et de gouvernance des TI.9

 

Couramment articulés autour d’un modèle de maturité ou de capacité, les référentiels de bonnes pratiques abondent. Leur grand nombre donne une forte impression de « sur-commercialisation », mais ceci ne doit pas nous empêcher de découvrir la richesse des connaissances qu’ils intègrent. La figure 4 présente une liste de modèles de maturité dont certains sont très bien connus et couramment utilisés.10 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour mieux saisir ce que l’utilisation d’un référentiel de bonnes pratiques peut apporter à l’organisation, il faut les situer dans une perspective regroupant les secteurs activités de l’entreprise. (Voir tableau 1)

Le but ultime de ces référentiels est l’amélioration de la performance de l’entreprise sous différents aspects. Nombreuses sont les directions informatiques à s’en être inspiré pour déployer leur propre cadres de référence et méthodologiques de bonnes pratiques. Une étude du CIGREF montre que pour couvrir la problématique de la gouvernance de leurs systèmes d’information, les organisations ont été amenées à adopter et faire coexister différents référentiels de bonnes pratiques. COBIT est le référentiel à partir duquel la majorité des entreprises interrogées par le CIGREF indiquent s’inspirer pour mettre en place leur modèle de gouvernance TI.11

En raison du nombre de référentiels et de leur évolution au fil des ans, on constate plusieurs recoupements, mais aussi des endroits où ils sont complémentaires13. Ceci peut porter à confusion et nous amener à s’interroger sur les véritables motivations des groupes qui les conçoivent et les supportent. Nous avons la chance d’avoir toutes ces personnes qui s’investissent à documenter les bonnes pratiques de notre profession. Il nous suffit d’en faire bon usage, de choisir judicieusement et de mettre en pratique celles qui nous porteront vers les résultats escomptés.

Ainsi, développé à l’origine pour les auditeurs informatiques, COBIT5 englobe aujourd’hui l’entreprise de bout en bout. Il traite l’information et les technologies connexes en tant qu’actifs devant être gérés comme tout autre actif de l’entreprise. 14 Il intègre l’ensemble des pratiques de la gestion et de la gouvernance de l’entreprise TI

 

 

 

Il importe de souligner que la gouvernance des TI diffère de la gouvernance corporative qui elle, a comme cible la création de valeur, la réalisation de bénéfices par le biais de l’optimisation de l’utilisation des ressources et de la gestion du risque. C’est d’ailleurs dans cette perspective que l’alignement de la stratégie corporative et la stratégie TI doit être réalisé.

L’implantation de référentiels de bonnes pratiques se traduit de façon générale par la mise en place et l’exécution programmée et récurrente d’un ensemble d’activités. Une étape importante avant de se lancer à la conquête de la performance, consiste à déterminer la maturité de l’organisation au regard des différents éléments inscrits dans l’ADN du référentiel utilisé.

La notion de maturité des processus n’est pas quelque chose de récent. C’est avec l’introduction du CMM (Capability Maturity Model) qu’elle s’est développée.15 Le niveau de maturité d’une organisation est défini comme étant le degré auquel celle-ci a déployé explicitement et de façon cohérente des processus qui sont documentés, gérés, mesurés, contrôlés et continuellement améliorés.16

 

En fonction du référentiel utilisé, différents éléments du secteur d’activité sont analysés et évalués pour en déterminer le niveau de maîtrise ou le niveau de capacité à être réalisé selon les objectifs préétablis par le modèle. Une cote est ensuite octroyée à chacun des aspects analysés et un niveau de maturité cible est établi au regard d’objectifs préétablis. La figure 6 illustre la relation entre maturité et performance attendue, la description des niveaux de maturité variant sensiblement d’un modèle à l’autre.

L’intérêt pour l’organisation de se référer à un modèle de maturité est de comprendre où elle se situe par rapport à ses initiatives et ainsi mieux identifier les actions qui lui permettront d’améliorer sa performance. Cette étape est très instructive et très motivante car elle nous confronte à nos résultats et à notre volonté de s’améliorer.

Parmi les nombreuses sources d’information disponibles sur les web en lien avec le présent sujet, je vous invite à lire l’article « The value of IT maturity models and Frameworks for Organisations » 17 qui donne un portrait plus détaillé et très objectif de l’apport de ces bonnes pratiques à l’organisation, aspect qui pourrait être couvert lors d’un prochain rendez-vous.

 

Présentation de l’auteur

M. Laurent Tremblay, B.A.A. – Conseiller en technologie de l’information (TI)

Détenteur d’un baccalauréat en administration des affaires de l’Université Laval avec spécialisation en systèmes d’information organisationnel, Monsieur Tremblay possède une vaste expérience du domaine des TI.

Sa carrière a débuté chez IBM Canada en 1973 et l’a amené à travailler dans le développement, l’implantation et la mise en marché de solutions informatiques. En 1993, il quitte l’entreprise pour offrir ses services comme conseiller TI.

L’architecture d’entreprise et la gestion de projet sont les pratiques qu’il privilégie. Outre le fait d’être connu pour son engagement et la qualité de ses interventions, il a été au coeur de projets de transformation organisationnelle, de modernisation de processus et systèmes d’affaires, de conception de systèmes informatiques et de services en ligne, de déploiement et de conformité d’infrastructures technologiques.

Grand voyageur de la « webosphère », il la considère comme une source d’information incontournable, autant pour ses activités professionnelles que pour la réalisation de projets personnels ou de loisirs.

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Table des références

1. Application Landscape Report

https://www.capgemini.com/resource-file-access/resource/pdf/Application_Landscape_Report_2011_Edition.pdf

2. Value of decommissioning legacy systems,

http://www.infodrivenbusiness.com/post.php?post=/2011/12/18/value-of-decommissioning-legacy-systems/

3. Survey Shows Why Projects Fail, (Document ID:G00231952) Gartner Analyst : Lars Mieritz, publié le 1 juin 2012

http://thisiswhatgoodlookslike.com/2012/06/10/gartner-survey-shows-why-projects-fail/

4. PMI – Pulse of the professions : Driving Success In Challenging Times, page 3,

http://www.pmi.org/~/media/PDF/Research/2012_Pulse_of_the_profession.ashx

5. Observatoire des projets – Rapport 2011 (page 25)

http://leblogdumanagementdeprojet.com/2012/01/12/observatoire-des-projets-la-reussite-des-projets-peut-elle-etre-programmee/

6. Michael Porter: Aligning Strategy & Project Management,

https://www.youtube.com/watch?v=CKcSzH1SvCk

7. The High Cost of Low Performance – PMI Pulse 2014

https://www.pmi.org/~/media/PDF/Business-Solutions/PMI_Pulse_2014.ashx

8. Chan, Y.E., Huff, S.L., Barclay, D.W., Copeland, D.G., “Business Strategic Orientation, Information Systems Strategic Orientation, and Strategic Alignment,” Information Systems Research, vol. 8, n°2, June 1997. La structure du département TI – Le défi de la flexibilité. SUZANNE RIVARD Professeur titulaire, HEC Montréal Directrice des activités de liaison et de transfert, CIRANO (Août 2001)

9. IT business processes must be considered as an integral part of the business process management.

https://www.bpm.place/blog/tag/it-business-processes

10. Liste de modèles de maturité dont la plupart sont des marques déposées :

https://en.wikipedia.org/wiki/Maturity_model

11. Les référentiels de la DSI – État de l’art – Usage des bonnes pratiques, page 10.

http://www.cigref.fr/cigref_publications/RapportsContainer/Parus2009/Referentiels_de_la_DSI_CIGREF_2009.pdf

12. Les référentiels de la DSI – État de l’art – Usage des bonnes pratiques, page 10.

http://www.cigref.fr/cigref_publications/RapportsContainer/Parus2009/Referentiels_de_la_DSI_CIGREF_2009.pdf

13. What are the similarities and differences between IT-CMF and other frameworks?

http://www.davidconsultinggroup.com/media/88306/jan-2012-it-cmf-and-other-frameworks-final.pdf

14. COBIT 5 : Un référentiel orienté affaire pour la gouvernance et la gestion des TI de l’entreprise. Document disponible à :

http://www.isaca.org/COBIT/Pages/COBIT-5-french.aspx

15. CMM et CMMi

https://en.wikipedia.org/wiki/Capability_Maturity_Model

16.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Capability_Maturity_Model_Integration

17.  http://intelligentorg.com/the-value-of-it-maturity-models-and-frameworks-for-organisations-note-8/