Stéphane Paquin|

Depuis sa première publication en 1996, le Project Management Body of Knowledge (PMBOK) n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux changements de la profession et aux nouvelles tendances en gestion de projet. Chaque nouvelle édition a permis de construire un corpus de connaissances visant à intégrer les meilleures pratiques. Cependant, la 7e édition du PMBOK a marqué une rupture importante en abandonnant l’approche basée sur les processus au profit d’une structure articulée autour de douze principes directeurs. Cette évolution a suscité de nombreuses interrogations quant à l’efficacité de cette nouvelle approche et à son impact sur les pratiques des gestionnaires de projet.

Par ailleurs, bien que l’agilité s’inspire des principes Lean, issus du secteur manufacturier (Maillot, 2024), elle trouve son application principalement dans les projets liés aux technologies de l’information (T.I.). Cette approche épurée permet-elle véritablement aux praticiens d’atteindre efficacement les objectifs standards de la profession ? La question demeure : quelles innovations apportera la 8e édition du PMBOK ?

Une transition difficile entre les éditions

En tant qu’académicien et praticien, ayant suivi l’évolution des différentes versions du PMBOK, il est clair que les 10 domaines de connaissance restent profondément enracinés dans la communauté des gestionnaires de projet. La 7e édition a introduit les 8 domaines de performance, mais la transition vers cette nouvelle structure ne s’est pas faite sans difficulté. De nombreux praticiens ont continué à utiliser les versions antérieures du PMBOK, parfois par habitude, mais aussi par souci de stabilité face à une approche jugée trop abstraite.

Les retours du terrain montrent que l’intégration des meilleures pratiques demeure un véritable défi pour les organisations. Bien que la certification PMP (Project Management Professional) soit une référence dans le domaine, une grande partie des professionnels ne se familiarisent pas avec les versions plus récentes après l’obtention du titre. Cette situation pose une question fondamentale : la certification est-elle un simple sésame pour de meilleures opportunités de carrière, ou bien reflète-t-elle une véritable compétence en gestion de projet?

Certification, compétences et maturité organisationnelle

En mettant en lumière les compétences en gestion de projet des professionnels et gestionnaires évoluant dans un environnement où cette discipline s’impose comme une norme dominante, il est évident que bon nombre d’entre eux disposent de connaissances parfois limitées en matière de bonnes pratiques. Ce constat, loin d’être surprenant, s’explique par divers facteurs : la pénurie de main-d’œuvre, la facilité de mobilité au sein de la fonction publique, les bouleversements engendrés par la pandémie et bien sûr, l’absence de certification ou de formation spécialisée en gestion de projet. Ces lacunes impactent directement les organisations, qui doivent faire face à un niveau de maturité souvent insuffisant pour optimiser leurs projets.

Plutôt que de se concentrer exclusivement sur l’adoption d’un guide mis à jour, une approche plus efficace consisterait à considérer la maturité organisationnelle comme un levier stratégique. En effet, le développement des compétences en gestion de projet ne peut se limiter à l’actualisation d’un corpus de connaissances, mais doit s’inscrire dans une démarche globale visant à renforcer la capacité des organisations à mettre en œuvre ces pratiques (Romero-Torres, Brunet, Lalonde et Aubry, 2024).

Un sondage récent indique que 52 % des professionnels interrogés se disent insatisfaits du niveau de maturité en gestion de projet de leur organisation(Statistiques de gestion de projet 2025 : Taux de réussite et d’échec – EarthWeb). Cette insatisfaction reflète les difficultés rencontrées pour intégrer efficacement les nouvelles approches, qu’il s’agisse d’agilité, d’approches hybrides ou de modèles traditionnels. Pour certains puristes, l’agilité est jugée inadéquate, tandis que pour d’autres, elle incarne, avec l’agilité à grande échelle, une solution incontournable.

 Vers une gestion de projet adaptative

Face à ces enjeux, il est essentiel pour une organisation de jeter des bases solides en gestion de projet, d’acquérir les compétences nécessaires et de renforcer sa maturité. S’appuyer sur des principes fondamentaux, tels qu’ils sont promus par la 7e édition du PMBOK, offre un socle robuste, moins vulnérable aux évolutions des domaines de connaissance ou de performance selon les différentes versions. Cette perspective favorise une gestion de projet plus souple, moins dépendante des outils et des processus définis dans une version précise du guide.

Le guide Project Management Offices : A Practice Guide, publié en début 2025 par le PMI, va dans ce sens en offrant aux bureaux de projet des solutions adaptées à leur niveau de maturité. Parmi les modèles proposés, le xMO se distingue comme une structure transversale, capable de s’adapter à divers niveaux de maturité tout en ciblant l’atteinte des objectifs stratégiques.

Attentes autour de la 8e édition du PMBOK

En anticipant la sortie de cette 8e édition, nous pouvons sans aucun doute nous attendre à des innovations, mais surtout à un guide qui s’inscrira en partie dans la continuité de l’édition précédente. Selon Ahamed Umar, (PMBOK 8th Edition Draft Review and Its Effect on Your PMP Exam Prep : r/pmp), cette nouvelle mouture devrait non seulement intégrer des concepts émergents comme l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, la réalité augmentée et les algorithmes génériques, mais également renforcer l’approche par les processus, l’agilité et l’orientation sur les principes.

Conclusion : au-delà de la certification, une compréhension approfondie

Si une organisation souhaite améliorer sa maturité en gestion de projet, il est essentiel de comprendre la philosophie sous-jacente à chaque méthode adoptée (Liker, 2021). Plutôt que de s’attacher uniquement aux outils et processus dictés par une version précise du PMBOK, une approche centrée sur les principes permettrait une intégration plus fluide et efficace des bonnes pratiques.

Par ailleurs, à l’instar du « nouveau-né » du PMI, dans un contexte de transformation permanente, l’adaptabilité devient une compétence clé pour les gestionnaires de projet. Loin d’être un simple référentiel de certification, le PMBOK doit être envisagé comme un outil évolutif permettant d’accompagner les professionnels dans leur quête d’excellence et de performance.

À propos de l’auteur

Stéphane détient un Baccalauréat en administration des affaires, profil gestion des ressources humaines, ainsi qu’une maîtrise en gestion de projet. Fondateur de 4DRA Formation – Conseil, Stéphane Paquin est un cadre chevronné qui cumule plus de 27 ans d’expérience dans le secteur des grandes entreprises et qui possède une expérience approfondie en matière de gestion des équipes de travail. Ayant œuvré dans différents postes de gestion et réalisé différents mandats, Stéphane a développé une expertise pointue en gestion des employés difficiles et en gestion des risques de projet. 

Fort de son expertise atypique en raison de ses trois champs de compétences, soit la gestion de projet, la gestion des ressources humaines et la gestion des opérations, Stéphane est fier d’offrir des formations et des services d’accompagnement liés au développement organisationnel, à la gestion de projet ainsi qu’en consolidation des équipes de travail.