Dans le dernier article, nous avons présenté sommairement l’entreprise Spotify, et ce sur quoi reposait le modèle agile qu’elle avait mis en place. Aujourd’hui, l’article portera sur la culture d’autonomie et de confiance qui prône au sein de l’organisation.
Chez Spotify, les équipes de travail sont regroupées en escouades, composées de six à douze personnes (nous verrons plus en détail les découpages des équipes et des rôles dans le prochain article), qui possèdent des responsabilités de bout en bout. Elles sont donc responsables de la conception, de la livraison, du déploiement, de la maintenance et de l’opérationnalisation de leur produit. Ce sont les escouades elles-mêmes qui décident ce qu’elles vont développer, comment elles le feront et comment les membres devront collaborer pour y arriver. Afin d’orienter leurs travaux, les escouades se basent sur des missions à long terme, par exemple : Faire de Spotify la meilleure plateforme d’écoute musicale.
Cette autonomie octroyée aux équipes est très importante chez Spotify, car l’entreprise est convaincue que c’est ce qui rend les équipes plus motivées et leur permet de développer de meilleurs produits. Les équipes développent alors plus rapidement et de manière plus efficace, puisque les décisions se prennent à même l’escouade, plutôt que par des gestionnaires ou des comités. Ainsi, le délai d’attente d’une réponse se voit alors considérablement diminué tout comme le tracas engendré par la coordination des demandes. Les escouades sont également regroupées entre elles (comme sur la photo ci-jointe), afin que chaque membre puisse rapidement avoir accès à ses coéquipiers.
Bien que chaque escouade possède sa propre mission, elle se doit d’être alignée avec la stratégie du produit, les priorités de l’entreprise et ses objectifs stratégiques. C’est la mission de Spotify qui prime avant les missions individuelles des escouades. Pour s’assurer d’être toujours alignées, les escouades se rencontrent trimestriellement, ce qui leur permet également de confirmer les orientations stratégiques du produit et les objectifs à court terme.
Henrick Kniberg fait un parallèle entre les escouades Spotify et un groupe jazz. Il mentionne : « Bien que chaque musicien soit autonome et joue de son propre instrument, ils s’écoutent tous et se focalisent tous sur la chanson elle-même », exactement comme les escouades.
Dans le mode de pensée Spotify, plutôt que de voir l’alignement et l’autonomie sur un continuum où on se situe plus à gauche ou plus à droite, l’entreprise les voit comme deux variables qui sont en corrélation. L’organisation s’efforce donc de conserver un alignement et une autonomie aussi forte l’une que l’autre. Comment est-ce que ça se concrétise? Les gestionnaires de leur côté ont comme principale tâche de communiquer quelles sont les problématiques qui doivent être résolues et pourquoi. Les escouades, quant à elles, doivent travailler ensemble afin de trouver la meilleure solution.
C’est donc cet alignement qui permet autant d’autonomie des équipes. Plus l’alignement stratégique est clair et bien véhiculé, plus les équipes pourront être et seront autonomes.
Les conséquences de l’autonomie et la pollinisation croisée
L’une des principales conséquences de cette autonomie est que l’entreprise a très peu de standardisation. Par exemple, si l’on demande quel éditeur de code Spotify utilise, la réponse risque d’être : « Ça dépend de l’escouade, cette décision leu appartient ».
Plutôt qu’une standardisation formelle, les équipes utilisent ce qu’elles appellent une pollinisation croisée. L’escouade A utilise un processus ou un outil précis et confirme qu’il fonctionne, alors l’escouade B se dit qu’elle pourrait pertinemment utiliser ce même outil. Ce qu’elle fait. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ultimement, toutes les escouades supportent le même outil et qu’il devienne en quelque sorte un standard par défaut.
Les dirigeants de Spotify trouvent que cette approche informelle leur permet un très bon équilibre entre la constance et la flexibilité.
Le respect mutuel
Finalement, on observe une forte structure de respect mutuel dans l’organisation. Les collègues se donnent du crédit pour le bon travail effectué et se félicitent entre eux. Il n’y a pas d’égo démesuré malgré tout le talent qui émane de ces équipes. Lorsqu’un coéquipier demande de l’aide, il en reçoit rapidement. Tout le monde est dans le même bateau et tout le monde veut atteindre ses objectifs. C’est ce qui fait la force de Spotify!
Dans le prochain article, nous effectuerons un survol de la structure des équipes chez Spotify.
Références
- Kniberg, Henrik. (2019, 30 juillet). Spotify Engineering Culture – Part 1 (aka the “Spotify Model”) [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=Yvfz4HGtoPc
- Kniberg, Henrik. (2019, 30 juillet). Spotify Engineering Culture – Part 2 (aka the “Spotify Model”) [vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=vOt4BbWLWQw
À propos de l’auteur
Mathieu Dupré est détenteur d’un Baccalauréat en Psychologie (UQTR), d’un Certificat en CyberEnquête (Polytechnique Montréal) et actuellement étudiant à la Maîtrise en Gestion de Projet (UQAR). Il travaille auprès d’une institution financière depuis 11 ans et a notamment occupé des postes en lutte au blanchiment d’argent et en intelligence d’affaires. Il a ensuite agi comme Responsable de Produit sur les projets de maintenance des outils internes et d’une solution innovante en matière de sensibilisation en sécurité. Il œuvre actuellement à titre de Responsable de Produit pour des solutions en sécurité corporative, sur le programme Enquêtes, Liaisons et Renseignements.