L’intelligence émotionnelle est un concept dont on entend de plus en plus parler, notamment dans le monde du travail. L’univers de projet n’y fait pas exception. Très peu d’attention était portée sur la gestion des personnes, ou sur la dynamique des relations entre les divers membres de l’équipe de projet. Toutefois, depuis 2006, la recherche s’intéresse à cette composante essentielle de la gestion de projet.
Lors du dernier colloque PMI Lévis-Québec, j’ai eu la chance d’assister à la conférence L’intelligence émotionnelle au cœur de la complexité dynamique du projet, présentée par Philippe Boigey et Joëlle Bouchard, qui présentaient l’une de leurs recherches sur ce sujet. Cet article est le premier d’une courte série, qui dressera un résumé des concepts abordés lors de la conférence.
Il est important de mentionner en amont que plus le projet est important, plus les interrelations seront importantes et plus la complexité du projet sera grande. Cette complexité sera notamment présente au niveau de la planification des tâches. Il faut donc s’assurer d’affecter ces tâches aux bonnes personnes, en termes de compétences, mais aussi de s’assurer d’avoir une bonne cohérence et une synergie à même l’équipe de projet, afin d’en améliorer sa performance.
Cette volonté de maintenir une synergie dans l’équipe vient ajouter une complexité supplémentaire au projet, car les émotions et le stress exercent une grande influence sur les livraisons et sur l’exécution du projet.
Comment tirer profit des émotions positives et limiter les impacts des émotions négatives?
Vous le savez, les émotions peuvent fluctuer énormément au cours d’une journée, il est donc important de savoir comment tirer profit de ces diverses émotions, pour le bien du projet.
Pour ce faire, il serait pertinent de définir ce qu’est l’intelligence émotionnelle. Selon Peter Salovey et John D. Mayer (1990), elle « correspond à la capacité de prendre conscience de ses propres sentiments et émotions ainsi que de ceux des autres, de les distinguer et d’utiliser ces informations pour guider sa réflexion et ses actions » (traduction libre). Cette définition a été reprise et popularisée plus récemment par Daniel Goldman. Il faut ajouter qu’il est estimé que d’ici 2025, l’intelligence émotionnelle sera l’une des sept compétences managériales à développer.
Le concept peut ensuite être scindé en deux types d’intelligence émotionnelle. Le premier type est l’intelligence émotionnelle individuelle, qui repose souvent sur les épaules du gestionnaire de projet, qui doit être en mesure d’utiliser ses émotions afin de prendre les bonnes décisions. Comme les émotions sont contagieuses, elles se propagent dans l’équipe, de façon non intentionnelle et inconsciente, ces émotions viennent ensuite se synchroniser chez les membres de l’équipe, nous parlons ici, d’intelligence émotionnelle collective.
Les équipes qui atteignent un certain niveau d’intelligence émotionnelle seront en mesure de se doter d’outils qui leur permettront de gérer ces émotions. Les équipes parviendront donc à gérer adéquatement les émotions négatives qu’ils perçoivent afin de les tempérer et faire en sorte qu’elles n’impactent pas le projet.
L’intelligence émotionnelle de l’équipe permet également de faciliter la discussion, sans entraîner de conflits. Les échanges d’idées sont donc favorisés, les points de vue différents sont acceptés et les équipes sont davantage innovantes. Lorsque l’intelligence émotionnelle de l’équipe est élevée, la coopération et la cohésion sont favorisées, ce qui facilite les interactions et les rendent plus efficaces.
Faciliter la prise de décision dans le meilleur intérêt du projet
Avant les années 1990, on croyait que la prise de décision s’effectuait froidement, en ne considérant que les aspects financiers et les objectifs stratégiques. Les études ont finalement révélé que chaque décision en management de projet est complexe et fait appel à de nombreuses variables. Ainsi, si le gestionnaire de projet est coupé de ses émotions, il ne sera pas en mesure de prendre une bonne décision. Elles sont donc nécessaires.
Lors du processus de décision, le temps dont dispose le gestionnaire de projet est parfois très limité, en plus de devoir tenir compte des contraintes de budget, de délai, de complexité techniques et technologiques, des objectifs à atteindre, etc. La véritable problématique est toutefois celle d’être en mesure de tirer pleinement profit de ses émotions, de son expérience, mais aussi des émotions de son équipe. Pour ce faire, le gestionnaire de projet devra prendre conscience de ces éléments, car ce sont eux qui lui permettront d’interpréter les informations dont il dispose et qui lui permettront de prendre les meilleures décisions possibles.
Dans le prochain article, nous procéderons à une mise en pratique de l’intégration dynamique de l’intelligence émotionnelle en présentant un cas réel dans une entreprise québécoise, provenant de la recherche de Philippe Boigey et Joëlle Bouchard.
Références
Salovey, P., & Mayer, J. D. (1990). Emotional intelligence. Imagination, Cognition and Personality, 9(3), 185–211.
À propos de l’auteur

Mathieu Dupré est détenteur d’un Baccalauréat en Psychologie (UQTR), d’un Certificat en CyberEnquête (Polytechnique Montréal) et actuellement étudiant de deuxième année à la Maîtrise en gestion de Projet (UQAR). Il travaille auprès d’une institution financière depuis 8 ans et a notamment occupé des postes en lutte au blanchiment d’argent et en intelligence d’affaires. Il a ensuite agi comme responsable de produit sur les projets de maintenance des outils internes. Depuis mai 2021, il œuvre à titre de responsable de produit d’une solution innovante en matière de sensibilisation en sécurité.