Alexandre Bruscagin Fedel |

Il est difficile d’imaginer un astrophysicien qui ne consulte pas la théorie de la relativité lors de l’évaluation d’un phénomène particulier ou un biologiste qui ignore la théorie de l’évolution dans ses analyses d’un écosystème. Après tout, les théories font plus qu’expliquer les faits, elles indiquent aussi les conséquences d’un événement particulier et selon Weick (1995) – elles enchantent.

Mais même ainsi, Johnsen et al. (2022) démontrent une pénurie d’études sur la gestion des fournisseurs basées sur des théories. Étant donné ce scénario dans le monde académique, il est difficile de croire que cela serait différent dans le monde des affaires. Les avantages d’une théorie vont au-delà de la bonne pratique académique en offrant un soutien à une étude. Selon Poole and Van de Ven (1989), elles évitent les stratégies contradictoires basées sur des idéologies et des circonstances fortuites. Ainsi, elles sont encore plus utiles pour les entreprises que pour les études académiques, et c’est pourquoi Emmanuel Kant nous guide en disant : “La théorie est absurde sans la pratique et la pratique est aveugle sans la théorie”.

Les théories servent comme des langages fondamentaux, tandis que les cadres théoriques sont les logiciels qui les interprètent. Souvent, la nécessité de mettre à jour ou de le corriger ne découle pas du changement du monde en lui-même, mais d’une compréhension initiale erronée de la théorie sous-jacente. Et, par conséquent, alors que les théories évoluent, les cadres théoriques passent par différentes versions.

Au cours d’un projet de développement de produit, la gestion des fournisseurs est souvent marquée par des ambiguïtés circonstancielles. Ces dilemmes se manifestent, par exemple, lorsqu’on cherche à élargir les options en développant des fournisseurs alternatifs tout en consolidant les relations en limitant le nombre de fournisseurs. Cette incohérence, souvent masquée par un discours convaincant, mais en réalité ambigu, reflète les pièges d’une prise de décision étrangère à la théorie applicable. Bien que la réticence à adopter des théories puisse découler d’un scepticisme quant à leur pertinence, je postule que, la plupart du temps, c’est le manque de connaissance des théories sociales et économiques qui est en cause.

Je préparerai une série d’articles mettant en lumière l’importance des théories en gestion de projets. Je montrerai comment elles éclairent et renforcent les stratégies à adopter. Des théories telles que la « théorie de l’échange social », la « théorie de la richesse des moyens de communication » (équivalent de « media richness theory » en anglais et utilisé en méthodologies agile), ou la « théorie des parties prenantes » (équivalent de « stakeholder theory » en anglais et approfondie dans le PMBOK dès sa 5e édition), s’avèrent essentielles pour approfondir notre compréhension des domaines de performances clés en gestion de projet.

L’article à venir se penchera sur la théorie des coûts de transaction (TCT) en matière de gestion des fournisseurs dans le développement de produit. Cette théorie, mise en avant par Oliver E. Williamson, lauréat du prix Nobel d’Économie en 2009, souligne la conséquence lors de l’implication des fournisseurs. Williamson avait une capacité singulière de concrétiser avec rigueur mathématique les théories les plus diverses sur les subtilités du comportement socio-entrepreneurial.

Bibliographie

Johnsen, T., Le Dain, M.-A., Kiratli, N., & Schiele, H. (2022). Editorial: Purchasing and innovation: Past, present and future of the field of research. Journal of Purchasing and Supply Management, 28(2).

Poole, M. S., & Van de Ven, A. H. (1989). Using paradox to build management and organization theories. Academy of Management Review, 14(4), 562-578.

Weick, K. E. (1995). What theory is not, theorizing is. Administrative science quarterly, 40(3), 385-390.

À propos de l’auteur

Alexandre Fedel

Alexandre Bruscagin Fedel est ingénieur et détenteur d’un master en gestion de projets de l’UQTR. Avec plus de 25 ans d’expérience dans la gestion de fournisseurs pour des projets de haute complexité, il a travaillé dans quatre pays différents, témoignant de son parcours professionnel impressionnant. Pendant son temps libre, il aime travailler, lire et courir (pas nécessairement dans cet ordre).