Olivier Choinière |

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L’évaluation de la maturité organisationnelle en gestion de projet gagne en popularité depuis les deux dernières décennies: d’ailleurs, les modèles guidant les organisations dans cet exercice se sont multipliés au cours de cette période (Larson et Gray, 2021). Pourtant, les études portant sur l’efficacité de l’évaluation à des fins de croissance de la maturité organisationnelle sont peu nombreuses (Hansen et al., 2019). Le constat soulève ainsi une question essentielle : est-ce que ce type d’évaluation, souvent exigeant, permet aux organisations d’améliorer sensiblement leur pratique en gestion de projet et d’accroître, de ce fait, leur niveau de maturité? Afin de répondre à la question, la présente étude se penche sur une pratique bien établie au sein du gouvernement du Canada, soit l’évaluation de la capacité organisationnelle en gestion de projets de ses ministères et organismes (M/O). Ce premier acte – d’une série de trois articles – expose brièvement en quoi consiste le processus avant de jeter un regard critique sur son efficacité lors des prochaines publications grâce à l’analyse de sa mise en œuvre au sein de deux ministères (données obtenues en vertu de la Loi sur l’accès à l’information).

L’évaluation de la capacité en gestion de projet constitue un passage obligé pour un ministère souhaitant obtenir une plus grande marge de manœuvre financière et décisionnelle se traduisant par une surveillance réduite de la part du Conseil du Trésor. Suivant un cycle triennal, chaque organisation doit soumettre les résultats de son analyse au Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Celui-ci détermine alors son classement selon une classification en cinq (5) niveaux (limité, éprouvé, tactique, évolutionnaire et transformationnel) qui spécifient les limites des pouvoirs d’approbation du M/O. Il est important de noter que chaque projet doit également faire l’objet d’une évaluation de sa complexité et de ses risques, la somme de ces deux exercices permettant d’établir les limites financières autorisées pour chaque projet, soit de 2,5 à 25 millions de dollars.

L’évaluation repose essentiellement sur un questionnaire autoadministré composé de 92 questions portant sur 13 domaines de connaissances en gestion de projet (voir tableau ci-dessous). Des pièces justificatives doivent être fournies pour soutenir la note accordée à chacune des questions. L’opération est généralement menée par le bureau de projets ministériel qui est responsable de collecter les preuves auprès des responsables des projets et d’assigner une note à chacune des questions. Le processus d’évaluation, qui s’étale sur plusieurs mois, exige un engagement soutenu de la part des parties prenantes, considérant le nombre de preuves à recueillir et les nombreuses interactions avec le SCT, responsable de la conformité et de l’intégrité de l’exercice.

Ainsi, les domaines les plus importants en fonction de la pondération sont la gestion de l’intégration (dont les activités s’apparentent à celles d’un programme), du calendrier et des coûts. À l’opposé, la gestion de portefeuille et de programme possède un poids somme toute limité, soit le même accordé aux quatre domaines de gestion de projet de soutien, et ce, malgré son importance et le nombre de questions qui lui est accordé.

Au-delà du système de pondération, le gouvernement souhaite ultimement que l’information recueillie puisse guider les M/O à investir judicieusement afin d’accroître leur capacité à gérer leurs projets de manière efficiente, efficace et intégrée.

En somme, l’objectif de ce premier article visait à présenter de façon succincte le processus d’évaluation formelle de la capacité des M/O à gérer leurs projets. Les prochains articles se pencheront spécifiquement sur les résultats de deux évaluations organisationnelles afin d’estimer l’efficacité réelle de ce processus sur l’enrichissement de leurs capacités en gestion de projet.

Bibliographie

  • Gouvernement du Canada (2019). Directive sur la gestion de projets et programmes (dernière modification le 2022/04/01).
  • Gouvernement du Canada (2013). Outil d’évaluation de la capacité organisationnelle de gestion de projet (version 1.4).
  • Gouvernement du Canada (2013). Guide d’utilisation de l’outil d’évaluation de la capacité organisationnelle de gestion de projet (version 1.3).
  • Hansen, L. K., Le Gerstrom Rode, A., Sommer, A. F., & Svejvig, P. (2019). Toward a Project Portfolio Management Evaluation Framework. Paper presented at the EURAM 2019, Lisbon Portugal.
  • Larson, E. W., & Gray, C. F. (2021). Project management: the managerial process (8th). McGraw-Hill Education.

À propos de l’auteur

Olivier Choinière

Olivier est professeur régulier en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et chercheur affilié au Centre d’études en gouvernance de l’Université d’Ottawa. Il détient un doctorat en gestion publique de l’Université d’Ottawa ainsi qu’une maîtrise en administration publique de l’ÉNAP. Olivier possède expertise et expérience en gestion de projet, du changement et du risque ainsi qu’en gouvernance d’entreprise. Avant de joindre le milieu académique, Olivier a œuvré comme consultant pour le compte d’organisations publiques et privées au Canada et à l’international en plus d’avoir occupé un poste de cadre supérieur au sein du gouvernement fédéral.