Olivier Choinière |

Article de recherche (2 sur 3)

Deuxième article d’une série dédiée à l’évaluation de la maturité organisationnelle en gestion de projet au gouvernement du Canada, cette rubrique s’intéresse à la seconde mesure principale de ce système, soit la complexité et les risques spécifiques aux projets. L’exercice vise à évaluer de façon normalisée le niveau de risque et de complexité de chaque projet initié par les ministères et organismes (M/O) du gouvernement fédéral. En combinaison avec l’évaluation de la capacité organisationnelle en gestion de projet (sujet du premier article), cette mesure permet d’établir les limites financières autorisées (de 2,5 à 25 millions de dollars) et le niveau de surveillance (minimal ou significatif) du Conseil du Trésor pour chaque projet. Ainsi, si un ministère souhaite mettre en œuvre un projet dont la complexité et le risque dépassent sa capacité organisationnelle, il doit obtenir l’approbation préalable du Conseil du Trésor.

L’évaluation de la complexité et des risques doit être effectuée idéalement dans la phase de définition du projet (Larson et Gray, 2019) et peut être mise à jour subséquemment à la lumière de l’évolution du projet et du raffinement de l’information disponible. Ainsi peuvent être mesurés les deux concepts clés de l’évaluation, soit le risque (effet de l’incertitude sur l’atteinte des résultats) et la complexité (basée sur le nombre de règles administratives, de la technologie utilisée et de la taille du projet), à l’aide d’un outil[1] composé de 64 questions réparties en 7 catégories (voir tableau ci-dessous). Fait intéressant, toutes les questions possèdent une valeur égale, contrairement à l’outil d’évaluation de la capacité organisationnelle qui proposait des pondérations différentes selon l’importance accordée aux domaines de connaissance. Plus la note est élevée, plus le projet est réputé être complexe et risqué.

Les questions touchent 10 des 13 domaines de connaissance identifiés dans l’évaluation de la capacité organisationnelle en gestion de projet. De cette façon, les domaines de la gestion de programme d’investissement, des structures de soutien organisationnel et des normes de gestion de projet ne sont pas directement évalués. Les raisons qui ont mené à l’exclusion de ces trois domaines ne sont pas précisées dans la documentation officielle.

Tout comme l’évaluation de la capacité organisationnelle, cette activité doit être menée avec le concours du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) afin que cette agence centrale s’assure que les M/O placés sous son autorité respectent les normes et règles encadrant l’exercice. Autre fait intéressant, les concepteurs de l’outil avancent que, malgré le grand nombre et la nature variée des risques de projets, 70% de ces risques peuvent s’appliquer à tout type de projet, ce qui permet au gouvernement de normaliser et de comparer les résultats de cette évaluation à l’ensemble de la fonction publique fédérale.

Tableau 1 Complexité Et Risques Des Projets

Les résultats de cet exercice permettent ultimement de classer le projet dans l’un des quatre niveaux de risque et de complexité établis (soutenu, tactique, évolutionnaire et transformationnel). Ainsi, plus un projet est complexe et risqué, plus la capacité organisationnelle en gestion de projet doit être élevée afin d’éviter une supervision soutenue du SCT. Inversement, si un ministère met en œuvre des projets généralement peu risqués ou complexes, il n’aura pas à investir massivement afin d’augmenter sensiblement sa capacité en matière de gestion de projet (Teller, Kock et Gemünden, 2014).

En somme, l’objectif de ce second article visait à présenter de façon succincte le processus d’évaluation formelle de la complexité et des risques des projets initiés par les M/O afin de définir le niveau d’approbation requis pour ceux-ci. Les prochains articles se pencheront spécifiquement sur les résultats de deux évaluations organisationnelles une fois que les données demandées en vertu de la Loi sur d’accès à l’information seront reçues et analysées.

 

BIBLIOGRAPHIE

  • Dorofee, A. J., & Solar Energy, I. (1996). Continuous Risk Management Guidebook. Carnegie-Mellon University Press.
  • Gouvernement du Canada (2019). Directive sur la gestion de projets et programmes (dernière modification le 2022/04/01).
  • Gouvernement du Canada (2015). Outil d’évaluation de la complexité et des risques des projets (version 1.4).
  • Gouvernement du Canada (2013). Guide d’utilisation de l’Outil d’évaluation de la complexité et des risques des projets (version 1.3).
  • Larson, E. W., & Gray, C. F. (2021). Project management: the managerial process (8th). McGraw-Hill Education.
  • Project Management Institute (2019). The standard for risk management in portfolios, programs, and projects.
  • Teller, J., Kock, A., & Gemnden, H. G. (2014). Risk Management in Project Portfolios Is More Than Managing Project Risks: A Contingency Perspective on Risk Management. Project management journal., 45(4), 67-80.

[1] Cet outil constitue une version adaptée et allongée du Continuous Risk Management Guidebook rédigé en 1996 par le Software Engineering Institute de l’Université Carnegie Mellon. Ce manuel est également la source principale du Cadre stratégique de gestion du risque (2010) du gouvernement fédéral.

À propos de l’auteur

Olivier Choinière

Olivier est professeur régulier en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et chercheur affilié au Centre d’études en gouvernance de l’Université d’Ottawa. Il détient un doctorat en gestion publique de l’Université d’Ottawa ainsi qu’une maîtrise en administration publique de l’ÉNAP. Olivier possède expertise et expérience en gestion de projet, du changement et du risque ainsi qu’en gouvernance d’entreprise. Avant de joindre le milieu académique, Olivier a œuvré comme consultant pour le compte d’organisations publiques et privées au Canada et à l’international en plus d’avoir occupé un poste de cadre supérieur au sein du gouvernement fédéral.