L’une des techniques les plus utilisées pour le contrôle du calendrier dans la gestion de projet est le chevauchement (ou parallélisme) des activités, qui consiste à réaliser en parallèle des activités qui devraient être réalisées en série. Cette technique peut être appliquée aussi bien dans la phase de planification que pendant l’exécution du projet. Son objectif est de permettre au projet d’être livré dans les délais, voire en avance sur le calendrier.
Dans les projets d’ingénierie de développement de produits, un équivalent du parallélisme est l’ingénierie simultanée, qui cherche à réduire le cycle de développement du produit afin que celui-ci arrive plus rapidement sur le marché. Les auteurs qui étudient le sujet de l’ingénierie simultanée la proposent comme une alternative aux déficiences des projets réalisés de manière purement séquentielle, comme l’approche en cascade.
Cependant, en raison des caractéristiques intrinsèques des projets de développement de produits, telles que l’incertitude, les interdépendances et les délais serrés (un sujet abordé dans un article précédent), la pensée séquentielle à laquelle nous sommes habitués dans l’exécution des projets, comme la technique PERT, finissent par négliger les effets contre-intuitifs inhérents au parallélisme des activités séquentielles.
Pour cette raison, cet article présente les cercles vicieux du parallélisme identifiés par les auteurs Williams et ses collègues (1995). Ils ont été identifiés à partir de l’évaluation des causes conduisant à des retards et des perturbations dans un projet de développement et de fabrication d’un véhicule spécialisé. Comme le projet avait un délai serré, il a été décidé de paralléliser les activités d’ingénierie (ingénierie simultanée) et entre les phases de conception et de fabrication. Pourtant, même si l’entreprise était l’une des plus performantes au monde dans son domaine, le projet a été livré en retard et à un coût supérieur aux prévisions.
Le principal cercle vicieux est représenté en noir dans la figure 1. Selon Williams et ses collègues, lorsque des activités qui devraient être réalisées en série sont réalisées en parallèle, le temps nécessaire pour les terminer est plus long, car il y a une dépendance entre les informations qui doivent être échangées, on parle alors de relations croisées. La conséquence de cette situation est le retard du projet. Par ailleurs, le projet est déjà réalisé dans un délai serré qui ne peut être prolongé, ce qui implique que plus d’activités qui devraient être réalisées en série sont, en réalité, réalisées en parallèle, renforçant ainsi le cercle vicieux qui retarde davantage le projet.
Un autre cercle vicieux qui accélère le cercle vicieux principal est représenté en bleu dans la figure 1. Comme les activités réalisées en parallèle présentent des relations croisées, il est difficile de finaliser la définition du concept technique des systèmes du produit. Cette situation, associée au fait que le projet est réalisé dans un délai serré, signifie que des activités – qui en principe ne devraient pas être réalisées parce que la définition des systèmes dont elles dépendent n’a pas encore été finalisée – sont réalisées. Cela a pour conséquence une forte probabilité que les activités devront être retravaillées, car la définition des systèmes n’est pas complètement finalisée et la modification d’un élément peut entraîner des changements dans les éléments qui lui sont connectés.
Le dernier cercle vicieux est représenté en vert dans la figure 1, il met en évidence une augmentation des activités du projet à réaliser en raison de l’augmentation du parallélisme des activités séquentielles et une augmentation des activités à retravailler. Cela entraîne des retards supplémentaires dans le projet en raison de la difficulté à trouver des ressources qualifiées pour travailler sur le projet.
En conclusion, l’étude montre que des perturbations mineures, telles que des retards dans l’approbation de la documentation et des demandes de changement de la part du client, par exemple, ont eu des effets plus graves que prévu en raison des cercles vicieux identifiés.
Figure 1 – Les cercles vicieux du parallélisme, adapté de Williams et al. (1995).
Bibliographie
Williams, T., Eden, C., Ackermann, F. et Tait, A. (1995). Vicious circles of parallelism. International Journal of Project Management, 13(3), 151-155. https://doi.org/10.1016/0263-7863(95)00034-n
À propos de l’auteur
Elle est diplômée en génie électrique (baccalauréat et maîtrise). Elle détient également un MBA et un DBA dans le domaine de la gestion de projet. Erika a consacré sa thèse de doctorat sur le retravail de conception technique en projet de développement de produit aéronautique. Elle a travaillé au sein de grandes entreprises du secteur automobile et aéronautique, dont Delphi Automotive Systems, Airbus Hélicoptères, Embraer et Bombardier aviation. Elle est professeure en gestion de projet à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). Ses intérêts de recherche portent sur les erreurs et le retravail, le changement d’ingénierie, la prise de décision dans la gestion de projets de développement de produits complexes.