Li Yanfei et Wang Jingbing |
Comment les risques sont-ils gérés dans les projets[1] en Chine ?
Le risque est étroitement lié à la maîtrise de l’information par les individus. Si les hommes disposent d’une information complète alors les résultats seront fiables et sous contrôle. Il suffit de gérer les évènements ou les situations en fonction de leur probabilité de certitude. Cependant, en raison notre rationalité limitée et de notre incapacité à prendre en compte tous les éléments pour détenir une information complète sur le monde, détenir une information complète devient illusoire. Ainsi, plus le projet est innovant, moins la courbe d’apprentissage est efficace et plus l’incertitude du projet devient importante. Ce qui conduit alors le projet, lorsque l’on fait un mauvais choix ou que nous prenions de mauvaises décisions, à des effets et des conséquences indésirables qui peuvent se traduire par une augmentation du niveau de risques et des coûts du projet entraînant des pertes de performance.
Au cours des 40 dernières années, la Chine a connu des changements rapides. Ces changements se traduisent par la mise en œuvre de grands projets structurants. De nombreux projets sont souvent une première pour les gestionnaires de projets, qui ne peuvent compter sur les expériences passées ou s’appuyer sur les leçons des projets antérieurs pour réussir les projets dont ils ont la charge. L’ancien secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Deng Xiaoping, a dit un jour : “Traversez la rivière en tâtant les pierres”, ce qui indique la nature des risques pour lesquels peu d’informations sont connues, tout en expliquant la logique de base et la voie à suivre pour gérer les risques.
L’incertitude et le risque sont des caractéristiques naturelles d’un projet. Avoir d’excellentes compétences en matière de gestion des risques est une condition nécessaire pour devenir un excellent gestionnaire de projet. Comment les risques sont-ils gérés en Chine ? Il semble qu’à différents stades, les chefs de projet chinois aient leur propre façon de gérer les risques.
Au stade de la conception du projet, les chefs de projets peuvent supporter la pression de « l’inconnu », ils n’ont pas peur des risques et sont prêts à en prendre et se familiariser avec eux. Bien qu’ils définissent clairement le résultat final à atteindre, c’est-à-dire “la pierre dans la rivière”, s’ils perdent la sensation de la pierre, ils abandonneront.
Au stade de la phase d’exécution du projet, les chefs de projets surveilleront de près l’avancement du projet et adopteront même une méthode de détection continue pour identifier les problèmes afin de les traiter dès leurs apparitions. En Chine, le chef de projet ou les équipes du projet peuvent passer 24 heures par jour sur le projet, pour assurer un suivi en temps réel de l’avancement du projet. Nous appelons, souvent en plaisantant, les chefs de projet “5+2”, “blanc plus noir” et “007”, ce qui signifie qu’ils travaillent tout le temps. Ce sont des « aigles agiles » qui acquièrent constamment de nouvelles connaissances sur l’environnement, ajustent leurs plans et se lancent dans un nouveau cycle PDCA. La Chine est un pays en développement doté d’un environnement économique et sociétal dynamique. Ce n’est qu’en répétant constamment un nouveau cycle PDCA que la Chine peut mieux s’adapter aux besoins de l’environnement. Si les projets chinois atteignent un certain niveau de performance, je ne pense pas qu’il y ait d’astuce, c’est grâce au travail acharné des chefs de projet et des équipes de projet chinois.
Bien que les nouvelles générations changent quelque peu, il est impossible pour les jeunes professionnels de travailler 24 heures sur 24 en Chine, certains projets tels que la construction et l’ingénierie manquent de travailleurs et de personnel d’encadrement parce que les heures de travail sont trop longues pour eux. Bien qu’un retour d’information rapide nécessite encore un suivi en temps réel du projet, nous devons utiliser la technologie numérique pour nous aider à piloter les projets. Les gestionnaires de projets chinois sont prêts à payer pour des technologies en temps réel, tel que la vidéo de détection, la technologie des jumeaux numériques, le big data, afin d’améliorer l’efficacité de la surveillance et le contrôle du projet.
Si des risques surviennent inévitablement, ces gestionnaires de projet s’efforceront de réduire les pertes causées par les risques. Ils auront de nombreuses idées innovantes pour résoudre les problèmes et parvenir à une situation gagnant-gagnant en communiquant avec les différentes parties prenantes du projet.
Notre équipe de recherche a mené une enquête auprès de 200 chefs de projet et la question posée était : “Quelles sont, selon vous, les cinq premières qualités ou aptitudes importantes pour être un bon chef de projet ?”. La réponse claire des chefs de projets interrogés était : la coordination, la communication, la résistance à la pression, l’expertise et la résolution innovante de problèmes. Chacune de ces cinq qualités de base est étroitement liée au niveau élevé de risque et d’incertitude des projets en Chine.
Au stade de la clôture du projet. Malgré les excellentes performances de la Chine en matière de gestion des risques, des améliorations sont encore possibles. D’après notre enquête et nos observations, l’archivage et la base de données des risques des projets chinois ne sont pas parfaits. Tirer les leçons des risques passés, éviter de reproduire les mêmes erreurs et améliorer les processus organisationnels de l’entreprise sont les clés de l’amélioration des performances de la gestion des risques des projets en Chine.
[1] Les exemples présentés dans cet article sont tous issus de projets d’ingénierie passant de la construction aéroports, de routes, de ponts, à l’immobilier jusqu’aux projets de villes intelligentes, etc.
À propos des auteurs
Li Yanfei, PhD
Professeure agrégée
Li Yanfei, PhD, est professeure agrégée à l’Ecole de Management de l’Université de Tianjin University of Technology, en Chine.
Ses domaines de recherche sont la gestion des projets d’ingénierie et la gestion des risques. Elle a publié plus de 30 articles de recherche et deux monographies sur l’amélioration des performances de la gestion des projets publics.
Elle a enseigné dans le cadre de la maîtrise en gestion de projet organisée conjointement par l’Université du Québec à Chicoutimi et l’Université de Technologie de Tianjin. Elle a enseigné à plus de 2000 étudiants de Maîtrise et connaît bien le fonctionnement de la gestion de projets d’ingénierie en Chine.
Wang Jingbing
Doyen, professeur, directeur de thèse
Doyen, professeur, directeur de thèse, École de gestion, Université de technologie de Tianjin, maîtrise et doctorat en économie à l’Université de Tokyo, Japon. Membre du comité d’orientation de l’enseignement de l’administration des entreprises dans les établissements d’enseignement supérieur auprès du ministère de l’Éducation, directeur exécutif de la Société d’histoire économique chinoise, vice-président de l’Association de gestion de Tianjin, membre de l’Association économique et commerciale Japon-Chine, membre de l’Association financière japonaise et membre de l’Association économique et historique japonaise.