Annie Chouinard |

La simple utilisation des outils et techniques en gestion de projet ne suffit pas toujours à assurer la réussite d’un projet. Plusieurs analyses concluent qu’il faut également que la culture entourant sa réalisation soit favorable. Ceci, même si la culture est souvent considérée comme un élément informel dans les organisations. Force est de constater qu’elle a un rôle déterminant dans la performance des projets et dans le comportement de ceux qui les réalisent.

Cet article fait une synthèse sur ce sujet et répond à trois questions fondamentales que se posent les entreprises sur la culture de gestion de projet.

– Une culture, c’est quoi au juste?
– Comment la culture apparaît-elle?
– Est-ce qu’une entreprise ayant une méthodologie de gestion de projet (exemples : Lean, PMI ou autre) fera de meilleurs projets?

1. Une culture, c’est quoi au juste?

Souvent issues du domaine de la sociologie, les définitions sont nombreuses et souvent laborieuses. Trois définitions principales seront utilisées, soit celles de Schein (1985), de Godelier (2006) et de Devillard et Rey (2008).

Dans son livre, Schein (1985) définit la culture comme étant « un ensemble d’hypothèses de base inventées, découvertes ou développées par un groupe donné au fur et à mesure qu’il apprend à faire face aux problèmes d’adaptation externe et d’intégration interne, qui a bien fonctionné et qui doit être considéré comme valide pour percevoir, penser et ressentir en relation avec ces problèmes ».

Dans cette définition, Schein présente clairement la culture comme étant un moyen d’adaptation appris par un groupe en réponse à une situation interne ou externe. D’un point de vue plus organisationnel, Godelier (2006) décrira la culture comme étant « l’ensemble des routines pratiques, comportementales et intellectuelles, influencées par les caractéristiques sectorielles et démographiques de chaque entreprise ou son mode de gouvernance ». Dans sa définition, Godelier mentionne également que la culture provient de l’ensemble des apprentissages des membres et se définit en trois niveaux :

Niveau 1 : C’est la partie visible de la culture d’une entreprise. Elle regroupe notamment la technologie, le savoir-faire, la structure de communication (langage, note de service, etc.), les logos, les installations, les produits, les marques, etc.

Niveau 2 : C’est la manière dont les individus présentent et justifient ce qu’ils font pour l’entreprise. Ce sont par exemple les doctrines managériales et les valeurs corporatives véhiculées.

Niveau 3 : C’est la partie intangible qui regroupe les idées et croyances qui permettent de justifier les actions (ex. : un comportement qui a permis de répondre à un besoin à plus d’une reprise). Ce niveau fait partie de l’inconscient et est intériorisé par les membres.

Plus récemment, Devillard et Rey (2008) définissent la culture comme étant « l’ensemble des façons de penser et d’agir et par conséquent, l’ensemble des façons d’organiser, de gérer et de produire ». Pour ces auteurs, la culture se définit par un système à la fois composé de valeurs, de croyances, de comportements et de pratiques.

La culture est donc l’ensemble des pratiques d’une organisation, mais également les valeurs et les comportements véhiculés.

2. Comment la culture apparaît-elle?

La figure 1 montre la naissance d’une culture dans une entreprise adaptée de Devillard et Rey (2008). À la suite de cette « naissance », la culture organisationnelle va évoluer en fonction des expériences vécues par ses membres et de l’influence de l’environnement. Les fondateurs et les dirigeants subséquents jouent un rôle déterminant dans l’établissement et le maintien de la culture organisationnelle.

Puisque les dirigeants jouent un rôle prédominant dans l’établissement et le maintien d’une culture, il semble évident qu’une démarche organisationnelle de changement de culture devrait être portée par ces mêmes dirigeants?

Cela dit un changement de culture implique que des actions doivent être posées à l’échelle des individus et des équipes, particulièrement dans le contexte du virage vers des pratiques agiles.

3. Est-ce qu’une entreprise qui a une méthodologie de gestion de projet réalisera mieux ses projets?

Avant de pouvoir répondre à cette question, il faut d’abord comprendre la nuance entre culture organisationnelle et culture de gestion de projet. En effet, même si les résultats de portée, temps et coût sont imputables aux projets, il n’en demeure pas moins que l’environnement dans lequel baigne le projet aura un impact sur les résultats du projet.

Dans son article, Stare (2012) distingue trois niveaux de culture organisationnelle en lien avec la performance des projets, soit la culture corporative, la culture de gestion de projet et la culture au sein du projet même. La figure 2 inspirée des définitions de Stare (2012) permet de situer la culture de gestion de projet par rapport à la culture organisationnelle et à la culture spécifique au projet.

Figure 2 : Les 3 niveaux de culture qui influencent la performance du projet

Pour ce qui est de la performance, il semble qu’il y a une relation significative entre la culture organisationnelle et la performance des projets (Yazici, 2009). Cependant, son étude n’a pas pu démontrer que le niveau de maturité de l’organisation en gestion de projet pouvait à lui seul être associé à une meilleure performance de projet.

Cette étude démontre donc l’importance d’une culture organisationnelle adéquate pour une entreprise qui souhaite performer; la mise en place d’une standardisation des processus en gestion de projet à elle seule n’est pas suffisante.

Comment changer la culture organisationnelle vers une culture de performance?

Modifier des façons de faire est quelque chose qui demande temps et patience. Il faut qu’un ensemble de conditions soient présentes, quelques exemples: l’engagement de la haute direction, la mobilisation du personnel, la perception de nécessité du changement, l’adaptation requise à l’écosystème d’affaires, le désir de s’améliorer, la transparence, la responsabilisation, l’adaptabilité, des communications soutenues, l’accompagnement, etc.

Ces valeurs rejoignent celles de l’agilité et peuvent contribuer à transformer, non seulement les façons de faire au niveau des équipes, mais aussi, à porter le changement à l’échelle de la gestion organisationnelle. La culture de performance devient, en quelque sorte, un corollaire de la culture organisationnelle. Il faut prendre en considération que la plupart des transformations échouent (certains auteurs prétendent jusqu’à 80 % du temps) du fait de n’avoir pas impliqué réellement leur personnel dans le changement.

Conclusion

En conclusion, avant d’entreprendre une démarche de mise en place d’une méthodologie, de processus en gestion de projet ou de pratique agiles, l’organisation devrait réfléchir sur la nécessité de débuter par l’adaptation nécessaire à leur culture organisationnelle. L’approche doit être systémique et intégrée plutôt que simplement centrée sur une méthodologie précise.

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