Deuxième partie : La résistance au changement
Dans un environnement de gestion de projet, il y a toujours du changement. Le projet, même le mieux planifié, doit adopter des changements pour s’ajuster à la réalité. De plus, souvent le projet lui-même amène un changement au sein de l’organisation (la mise en place d’un nouveau système de classement, par exemple). La capsule précédente présentait un processus pour réussir un changement. Celle-ci présente la résistance au changement et comment l’affronter.
Lorsqu’il est possible d’adopter un processus de gestion du changement tel que présenté dans la capsule précédente, c’est plus facile de vaincre la résistance au changement. Cependant, dans la vraie vie nous n’avons pas toujours la possibilité de suivre toutes les étapes de ce processus. Comme la clé pour réussir un changement est le travail d’équipe et qu’il faut parfois le bousculer pour, par exemple, régler des urgences. Nous avons besoin de bien connaître la dynamique du changement et de la résistance qu’il provoque.
Un gestionnaire de projet est souvent un agent de changement, c’est-à-dire celui qui dirige le changement projeté. À ce titre, il devra avoir la capacité de résoudre les problèmes reliés à ce changement et il possédera les qualités interpersonnelles pour influencer les personnes affectées par le changement. Une activité cruciale du chef de projet consiste à comprendre jusqu’où les parties prenantes sont prêtes à aller dans un changement.
Notre agent de changement devra déterminer[1] :
- Pourquoi le changement doit-il se réaliser (préciser son importance et son impact sur les objectifs de l’organisation) ?
- Ce qui doit être changé et quand (analyser des solutions alternatives et décider des priorités de l’organisation) ?
- Comment le changement devra-t-il se réaliser (préparer un plan présentant les principales étapes et les ressources nécessaires pour le mener à bien) ?
Les sources de résistance au changement[2]
La résistance se retrouve à deux niveaux : individuel et organisationnel.
Les sources de résistance au changement au niveau des individus :
Une perception sélective qui pousse les gens à percevoir uniquement ce qui fait leur affaire. Par exemple, ils vont lire sélectivement ce qui renforce leurs croyances.
Les habitudes qui représentent un confort et une sécurité qu’ils veulent préserver.
Ceux qui sont un haut degré de dépendance aux autres vont résister au changement tant qu’il n’aura pas été appuyé par les personnes qui ont de l’influence sur eux.
La peur de l’inconnu est la source de résistance la plus courante à cause de l’inconfort inhérent à ce que nous ne maîtrisons pas. Une personne peut refuser une promotion parce qu’elle craint de ne pas réussir.
Des raisons économiques peuvent aussi amener de la résistance. Par exemple, la perspective d’un changement qui modifie le cadre de travail peut donner à un individu l’impression que les autres le percevront comme moins performant dans ce nouveau contexte. Ainsi, la peur d’une rétrogradation créera une insécurité financière.
☝ Je me souviens avoir dû repousser l’implantation d’un nouveau logiciel de traitement de texte pendant presque un an. Ce nouveau logiciel était devenu la référence pour les autres organisations et il devenait difficile de communiquer avec l’ancien logiciel. La responsable du secrétariat avait été formée sur le logiciel en fonction et on lui avait dit que le logiciel que nous voulions implanter était moins performant. L’ensemble des autres employés faisait des pressions pour que nous passions aux nouvelles normes. J’ai réussi à convaincre la responsable du secrétariat en utilisant la firme de formateurs en bureautique qu’elle nous avait référée et en qui elle faisait confiance. Cette dernière a expliqué à la secrétaire que le nouveau logiciel avait été considérablement amélioré et que de plus il était devenu la norme incontournable. Ainsi sécurisée, la responsable du secrétariat a planifié l’implantation du nouveau logiciel qui fut bien accueilli.
Les sources de résistance au changement au niveau des organisations :
Les gens résistent souvent au changement parce qu’il menace leur pouvoir et leur influence. Un changement qui amènerait un département à ne plus être responsable d’un service risque de créer de la résistance par peur de perdre de l’influence dans l’organisation.
Les organisations ont besoin d’une certaine stabilité pour se sentir en contrôle et efficace. Des modifications à la structure organisationnelle sont vues comme menaçantes parce qu’elles changent les responsabilités, le niveau d’autorité, le contrôle ou la diffusion de l’information.
Un changement nécessite des ressources, qu’elles soient humaines, financières ou physiques. La pénurie de ressources est souvent une raison d’abandon ou de retard d’un projet.
Certaines obligations contractuelles peuvent ralentir ou empêcher le changement. Par exemple, une clause d’une convention collective peut avoir été négociée de bonne foi, mais occasionner un blocage à un projet de développement qui n’avait pas été prévu au moment de la signature de la convention.
Vaincre la résistance au changement
La dynamique du changement implique des forces de résistances que nous venons de présenter, mais elle inclut aussi des forces qui favorisent le changement. Lorsqu’on peut les identifier et les influencer, ces forces positives entraînent une modification de l’équilibre des forces qui peut favoriser le changement.
Ces forces qui font pression en faveur du changement sont[3] :
La mondialisation
La mondialisation des échanges a de nombreuses retombées qui peuvent être stimulantes pour les organisations. Souvent, c’est la pression sur les marchés qui oblige des changements dans les façons de faire afin de s’ajuster à de nouveaux concurrents. D’autres fois, ce sont des informations qui nous arrivent de l’autre bout de la planète qui nous permettent de créer un nouveau produit ou un nouveau service. Nous pourrions donner une multitude d’exemples de la pression que fait la mondialisation sur l’accélération du changement.
Les changements technologiques
Les changements technologiques créent des opportunités pour développer de nouveaux produits ou de nouveaux services. Ils nous obligent aussi à revoir nos façons de faire et à apprendre à travailler avec de nouveaux outils toujours plus performants et plus précis, ouvrant la voie à de nouvelles découvertes.
Le cycle de vie plus court des produits
Les besoins changeants des consommateurs et les changements technologiques font que la durée de vie des produits est de plus en plus courte. Ils sont remplacés rapidement par de nouveaux produits plus performants ou mieux adaptés.
☝ L’anecdote précédente qui présentait la résistance à implanter un nouveau logiciel de traitement de texte est un exemple ou trois forces positives favorisaient l’implantation du changement. La mondialisation qui définissait une nouvelle norme, les changements technologiques qui rendaient le nouveau logiciel plus performant que les anciens et le cycle de vie des produits qui faisait que le logiciel actuel était dépassé.
Une main-d’œuvre qui évolue
Les changements démographiques amènent une nouvelle génération d’employés qui n’ont plus les mêmes attentes et la même préparation que les générations précédentes. Les employés proviennent de plusieurs cultures un peu partout dans le monde et souvent ils travaillent à partir de leur pays d’origine. La main-d’œuvre est de plus en plus mobile.
Les paradigmes sociaux changent
La circulation rapide des idées provoque une évolution des paradigmes sociaux. Ainsi, le développement durable est devenu un élément incontournable dans l’évaluation de la faisabilité de plusieurs projets.
Il faut convenir de façon réaliste qu’il est impossible de faire tomber toutes les résistances au changement. Elles sont inhérentes à la dynamique du changement. Par contre, voici quelques suggestions qui aideront à les diminuer[4].
Éviter les surprises
Les gens n’aiment pas les surprises, surtout lorsqu’elles sont désagréables. Il faut donc les éviter en préparant les gens au changement qui s’en vient. Le meilleur moyen est de présenter le plus tôt possible aux parties prenantes : le pourquoi, le comment, le quand et les résultats attendus.
Prodiguer de l’empathie et du support
L’inconnu engendre de la peur. Si le responsable comprend bien la nature de cette peur, il peut mieux présenter les éléments qui vont réconforter les membres de l’équipe. Lorsque les gens affectés par le changement sentent que les gestionnaires les comprennent et leur apportent du support et de l’information, ils deviennent plus collaboratifs.
☝ Dans l’anecdote précédente, la résistance a été vaincue lorsque j’ai permis à la secrétaire de se sécuriser avec la firme de formation à qui elle faisait confiance.
Communiquer de façon efficace
La planification d’un changement inclut la planification de la façon dont ce changement sera communiqué aux diverses parties prenantes. Une communication efficace passe par une bonne écoute et la préoccupation du moment opportun. La meilleure façon de faire taire les rumeurs est de donner de l’information.
Adopter une attitude positive envers le changement
Le chef de projet est le meilleur ambassadeur du changement annoncé. Le cœur parle mieux que la raison. En y croyant et en adoptant une attitude enthousiaste et sincère, le chef de projet donnera le goût aux équipiers d’aller de l’avant.
Encourager la participation
Au risque de se répéter, plus les gens participeront à la planification et à la mise en place du changement, plus ce sera facile de l’accepter. Leurs préoccupations et leurs intérêts auront été écoutés et analysés.
Faire un essai
Lorsque c’est possible, faire une expérience pilote permet de réduire la résistance. Les gens savent que si ça ne marche pas, c’est temporaire. Par contre, si ça marche, l’expérience servira de tremplin pour implanter le changement de façon définitive. Les participants ont le temps d’apprivoiser le changement avant qu’il soit menaçant.
Conclusion
Nous l’avons vu, c’est le travail d’équipe qui est le meilleur antidote à la résistance au changement. Ce qui est intéressant dans ce constat, c’est qu’il est possible d’utiliser un processus de changement pour renforcer le sentiment d’appartenance à l’équipe (team building). Il faut être conscient des forces négatives qui ralentiront le changement, mais il faut aussi identifier les forces positives, les analyser et les mettre en évidence pour faciliter le changement.
[1] Inspiré de : Vijay K. Verma, Managing the project team, Project Management Institute, 1997.
[2] Idem, ibidem.
[3] Idem, ibidem.
[4] Idem, ibidem.
Présentation de l’auteur
Gérard Perron, PMP
Mentor et administrateur de sociétés
www.gerardperron.com
Maintenant retraité, Gérard Perron est bénévolement mentor et administrateur de sociétés.
Il a occupé des postes de gestion et d’entrepreneur à partir de 1977. Son expertise est reconnue en développement économique (développement local et coopératif) de même qu’en développement organisationnel (gouvernance d’entreprise et gestion de projet). Il a écrit un livre sur la gestion participative et un autre sur la gestion des coopératives. Il a collaboré à d’autres ouvrages en gestion des organisations et en développement coopératif.
Il a siégé à de nombreux conseils d’administration et été consultant pour plusieurs conseils et comités. En 1997 et en 2003, il fut choisi « Professionnel en développement économique de l’année » au Québec. Il est certifié « Project Management Professional » et il donne régulièrement de la formation en gestion de projet. Il se passionne pour le leadership, la gestion participative, la gouvernance et la gestion de projet.