Ingrid Avila Tiomo |

Le concept de compétence politique est exploré depuis plus de trois décennies comme une habileté essentielle pour la gestion efficace des relations dans les organisations. Si l’importance des compétences politiques (lien vers l’article 1) dans les projets a été démontrée, il importe de mettre l’accent sur leur portée théorique. Quelques pionniers, dont Pfeffer (1981), ont utilisé la notion de compétences politiques pour définir l’orientation de la politique dans les organisations et dans les projets.

Qu’est-ce que la compétence politique ?

La compétence politique renvoie à la capacité d’utiliser le comportement politique en vue d’atteindre des objectifs communs efficaces et pérennes. Elle repose sur les compétences sociales. Ces dernières deviennent politiques lorsqu’on y rajoute quelques aptitudes « cognitives, affectives et comportementales » (Ferris et al., 2007, p. 291) ayant un effet sur l’individu et sur un groupe d’individus. La définition de Ferris et al. (2005) permet de mieux cerner le concept comme « la capacité de comprendre efficacement les autres au travail et d’utiliser ces connaissances pour influencer les autres à agir de manière à améliorer leurs objectifs personnels et/ou organisationnels » (Ferris et al., 2005, p. 127)[1]. Ainsi, l’individu politiquement compétent dispose de l’astuce sociale, sait adapter ses comportements en fonction des circonstances changeantes et est en mesure de les déployer avec une certaine sincérité apparente, de manière à répondre efficacement aux attentes des autres tout en influençant ces derniers (Ferris et al., 2007).

Quelles sont les dimensions des compétences politiques ?

La notion de compétences politiques est multidimensionnelle et comprend la sagacité sociale, la capacité de réseautage, l’influence interpersonnelle et la sincérité apparente (figure 1).

Dimensions Des Compétences PolitiquesFigure 1 — Les dimensions des compétences politiques (Leyrie, 2013)

Sagacité sociale

Il s’agit de la perspicacité, de la clairvoyance en milieu social. Autrement dit, c’est la capacité à se mettre à la place des autres, à anticiper leurs comportements, à avoir conscience de ses actions et de celles des autres.

Capacité de réseautage

L’aptitude à mettre en réseau et à développer des liens entre des personnes est également une caractéristique des compétences politiques. Cet attribut est nécessaire en particulier dans la gestion de conflits parce qu’elle permet de nouer des relations avec des personnes détentrices d’« actifs » (Ferris et al., 2007) bénéfiques et utiles pour la poursuite et l’atteinte d’objectifs organisationnels.

Influence interpersonnelle

C’est la capacité d’adaptation du comportement en fonction de la situation. Les auteurs parlent généralement de « flexibilité » (Pfeffer, 1992) circonstancielle ciblée dans l’influence exercée sur les autres. Cette influence est alors traduite par le contrôle de l’environnement et marquée d’un style convaincant.

Sincérité apparente

Un paraître authentique, sincère, honnête sont des caractéristiques cruciales des individus qui font preuve d’une sincérité apparente. Ceux-ci ne sont pas intéressés par les intérêts personnels en apparence et veulent provoquer chez les autres la perception d’un comportement sincère, direct et transparent (Ferris et al., 2007). En effet, s’ils ne communiquent aucune arrière-pensée dans leurs actions, les autres comprennent qu’ils n’ont rien à gagner, se sentent en confiance dans un cadre dénué de toute tentative de manipulation (Jones, 1990).

Néanmoins, s’il existe de nombreux travaux sur la définition des compétences politiques, très peu explorent leur déploiement en contexte projet. C’est pourtant d’un enjeu majeur ! Un prochain article illustra ce concept de cette approche empirique.

Références bibliographiques

Christophe Leyrie (2013). Étude exploratoire de la gestion politique des parties prenantes dans un projet : vers une compétence collective. Thèse de sciences en gestion, Université de Lyon Jean Moulin

Ferris, G. R., Davidson, S. L. et Perrewé, P. L. (2005). Political skill at work: Impact on work effectiveness. Palo Alto, CA: Davies-Black.

Ferris, G. R., Treadway, D. C., Perrewé Pamela L, Brouer, R. L., Douglas, C., et Lux, S. (2007). Political skill in organizations. Journal of Management33(3), 290–320.

Jones, E. E. (1990). Interpersonal perception. New York: W. H. Freeman.

Pfeffer, J. (1981). Power in organizations. Boston: Pitman.

[1] Traduction libre de l’auteur

À propos de l’auteur

Ingrid Avila Tiomo

Ingrid Avila TIOMO est doctorante en management de projets à l’Université du Québec à Chicoutimi et membre étudiant du Laboratoire d’études multidisciplinaires en gestion de projets. Elle a travaillé à titre de responsable de projet, consultante dans le domaine des systèmes d’information et du digital en général pour plusieurs entreprises en France. Elle est également responsable de l’agence digitale Ingrid Avila.

Ses intérêts de recherche portent sur la dimension sociale des projets, les défis du gestionnaire de projet contemporain et la complexité de projet. Son travail de recherche est centré sur les compétences sociales nécessaires aux parties prenantes pour un engagement permanent et pérenne dans les projets complexes.