Ingrid Avila Tiomo et Jean-Rémi Blais |
L’approche intégrée des critères de succès des projets
Diriez-vous que les projets du Dôme du Millénaire et de l’Opéra de Sydney ont fait l’objet d’un succès ou d’un échec ? Question difficile à répondre ! Si les avis sont partagés face à ce « paradoxe succès-échec et échec-succès » des projets (Ika et Pinto, 2022, p.2), c’est parce qu’en réalité, le projet n’est ni un succès complet, encore moins un échec complet (Baccarini, 1999). Selon leurs intérêts et critères de satisfaction, l’équipe du projet peut estimer que le projet est un succès alors que les sponsors y voient un échec (Belassi et Tukel, 1996). Malgré la variété des critères qui lui sont attribués, la notion de succès des projets continue d’évoluer en raison de l’environnement et des contingences de projets. Contenu phare de ce dossier thématique sur le succès du projet, cet article aborde l’aspect multidimensionnel du succès des projets.
Le succès des projets, un concept en constante mutation
Les coûts, les délais, la qualité, la satisfaction des parties prenantes et l’atteinte des objectifs stratégiques ont progressivement constitué les critères actuels de succès des projets comme le montre la figure 1. La triple contrainte (coûts, délais, qualité) est encore au cœur de l’évaluation de la réussite des projets. Face au faible degré d’acceptation des livrables, la satisfaction du client, puis des parties prenantes au sens large s’est intégrée à la fin des années 80 (Pinto et Slevin, 1988). Le projet réussi devrait donc répondre aux exigences de temps, de coût. De même, il devrait satisfaire aux objectifs du client (commanditaire) et aux attentes des parties prenantes internes et externes du projet. Dès lors, le succès du projet est évalué selon l’efficacitée court terme ou précisément selon le succès de la gestion de projet (Shenhar, 2007). Au regard de l’échec inhérent au ratio entre les ressources et les bénéfices de l’exploitation de certains projets, l’efficience a été rajoutée en tant que critère de succès à la fin des années 2000. Alors que l’efficacité se traduit par le succès tangible et opérationnel du livrable à court terme (Ika et Pinto, 2022), l’efficience comporte des aspects tangibles et intangibles, à visée stratégique et renvoie au succès à long terme du projet en tant que produit (Baccarini, 1999) ainsi que sa rentabilité commerciale, son impact durable (Maltzmann et Shirley, 2015).
Figure 1 — Évolution temporelle des critères de succès dans les projets
Dans un contexte d’incertitude croissante, il importe d’adopter une approche intégrée de l’ensemble des critères de succès dans le projet. Ainsi, le respect de la triple contrainte, la durabilité, l’alignement aux objectifs stratégiques et la satisfaction des parties prenantes sont autant de dimensions à considérer dans la définition des critères de succès d’un projet comme le matérialise la figure 2.
Figure 2 — Approche intégrée des critères de succès dans les projets
Toutefois, s’il est utopique de retrouver l’ensemble des conditions de succès de projet énoncés, tout au moins avec un degré considérable, les gestionnaires devraient accorder une attention particulière à ces éléments lors de l’élaboration des critères devant servir à l’évaluation de réussite du projet.
Bibliographie
Baccarini, D. (1999). The Logical Framework Method for Defining Project Success. Project Management Journal, 30(4), 25–32.
Belassi, W. et Tukel, O.I. (1996) A New Framework for Determining Critical Success/Failure Factors in Projects. International Journal of Project Management, 14, 141-151.
Ika, L. et Pinto, J.K. (2022). “Nothing succeeds like success, but what is it, anyway?” Dans Winch, G., Brunet, M., and Dongping, C. (Eds.). A Research Handbook on Complex Project Organizing, Edward Elgar
Ika, L., Pinto, J.K. (2022). “Nothing succeeds like success, but what is it, anyway?” in Winch, G., Brunet, M., and Dongping, C. (Eds.). A Research Handbook on Complex Project Organizing, Edward Elgar
Maltzman, R., and Shirley, D. (2015). Driving Project, Program, and Portfolio Success: The Sustainability Wheel. Boca Raton, FL: CRC Press.
Pinto, J. K., Slevin, D. P. (1988). Project success: Definitions and measurement techniques. Project Management Journal, 19(1), 67–72.
Shenhar, A.J., Dvir, D. (2007). Reinventing Project Management. The Diamond Approach to Successful Growth and Innovations. Boston, MA: Harvard Business School Press
Zwikael, O., Meredith, J. (2021). Evaluating the success of a project and the performance of its leaders. IEEE Transactions on Engineering Management, 47(3), 127–134
À propos des auteurs
Ingrid Avila TIOMO est doctorante en management de projets à l’Université du Québec à Chicoutimi. Elle a travaillé à titre de responsable de projet, consultante dans le domaine des systèmes d’information et du digital en général pour plusieurs entreprises en France. Elle est également responsable de l’agence digitale Ingrid Avila.
Ses intérêts de recherche portent sur la dimension sociale des projets, les compétences sociopolitiques du gestionnaire de projet et la complexité de projet. Son travail de recherche est centré sur les compétences politiques nécessaires aux parties prenantes pour un engagement pérenne dans les projets.
Jean-Rémi Blais est CPA et finissant à la maîtrise en gestion de projet de l’UQAR. Il complète en parallèle un MBA-CPA à l’UQTR. Il a réalisé son baccalauréat et son diplôme d’études supérieures spécialisées en sciences comptables à l’UQAR. Il cumule 5 ans d’expérience en tant que contrôleur comptable dans des entreprises manufacturières.